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Les vergers d'autrefois

Les vergers d'autrefois 1



 

TAB004 Les pommiers

Il y a quelque cent ans, voire même deux siècles, de nombreux vergers garnissaient le territoire de Presles, agrémentant les lieux de leurs masses grises, vertes ou blanches, selon les saisons. Nous pensons au plein temps de la floraison et à la vue agréable que les vergers fleuris devaient offrir aux habitants du village.

Dans diverses parties de la commune, des prairies plantées d’arbres fruitiers se jouxtaient en formant une surface assez importante, mises à part des nombreuses plantations fruitières du château de Presles.

Bien rares étaient les censes et les métairies qui n’avaient pas un bien planté d’arbres fruitiers, aux abords du complexe rural.

Des rentiers, des bourgeois, des artisans ou autres villageois possédaient, disséminées un peu partout, des parcelles de terrain sur lesquelles croissaient des arbres à fruits. (*** Notes ci-après)

Nous faisons ici remarquer que les terrains géologiques de la commune de Presles ne sont pas toujours de première qualité pour les plantations fruitières. La surface des terres profon­des est, hormis celle destinée à l’agriculture, peu étendue là où les arbres à fruits à pépins, tels que les pommiers, les poiriers, peuvent donner de bonnes récoltes.

Par contre, les sols caillouteux sont nombreux et les plantations d’arbres fruitiers à noyau, tels que les cerisiers, tous les pruniers, les pêchers, et le noyer en petite quantité, s’y adapteront en produisant parfois des récoltes surabondantes pour les besoins d’un ménage.

Nous observons que nos aïeux surent en profiter, créant et exploitant des vergers, source de revenus produite par la récolte des fruits, tandis que sous les arbres croissait l’herbe de la prairie destinée à être fanée ou livrée au pâturage des bestiaux.

L’arboriculture fruitière demande un bon terrain qui n’est ni froid, ni humide. Le sol du vil­lage est formé par des terrains primaires, ce qui revient à dire que, presque partout, il y a des roches, du moins les terres sont pour la plupart parsemées de débris de roches et, à un pied de profondeur, le rocher est mis à découvert.

C’est pour cette raison que l’on trouvera dans notre village beaucoup plus de fruits à noyau que de fruits à pépins ; quantité moindre de pommiers, poiriers, par rapport à celle de toutes sortes de pruniers, cerisiers.

À l’heure actuelle, l’arboriculture fruitière est pourvue d’un contingent important d’espèces et de variétés d’arbres fruitiers (quoique nous remarquions que sur les marchés, le nombre de dix variétés de poires et pommes n’est même pas atteint, ceci étant une tout autre histoire commer­ciale dont nous nous abstiendrons de parler ici).

L’amateur, soit qu’il procède à l’élevage ou au greffage de ses arbres, peut aussi se les procurer chez les pépiniéristes. En était-il ainsi au temps passé ?

L’histoire de la pomologie est assez vague au Moyen-âge. Au XVIe siècle, Charles-Quint favorisa l’arboriculture ; il estimait le vin du pays et la culture des arbres fruitiers, surtout celle du poirier, qui se développa sous son règne.

Vers le milieu du XVIIe siècle, on ne connaissait que fort peu de bons fruits. Cependant, on cultivait des poiriers, tels des Rézi de Chaumontel, des Bon Chrétien d’Espagne ou de Grande-Bretagne, des Beurrés gris ou roux, des Bergamotes Crassane ou d’automne, des Colmar d’hiver et quelques autres fruits de qualité inférieure dont la culture est abandonnée aujourd’hui.

Aux poiriers, s’ajoutaient quelques variétés de pommiers, et la vigne était cultivée à Presles.

En 1626, le seigneur de Presles, Herman de Lierneux, faisait faire des travaux de terrasse­ment pour y planter des vignes. Ce vignoble était établi sur la colline, là où le comte Charles d’Oultremont, « le Bâtisseur », fit aménager les terrassements du château, vers 1860.

Les collines de la vallée de la Sambre furent jadis couvertes de vignobles, qui donnaient, dit-on, un petit vin excellent.

Nous avons pu constater, d’après les dénombrements de censes et autres propriétés de cette époque, que l’on fait mention de vergers. Le fait est que si les espèces de fruits n’étaient pas encore nombreuses, elles étaient néanmoins propagées dans le pays.

C’est au cours du XVIIIe siècle que se manifestèrent les semeurs d’arbres fruitiers. Citer l’abbé d’Hardenpont (1705-1774) ; Van Mons (1765-1841) ; plus tard Xavier Grégoire-Nélis (1802-1887) ; Espéren (1830) ; Durondeau, brasseur à Tongres-Notre-Dame, village des environs de Tournai, et tant d’autres chercheurs se seraient retracés l’histoire de la pomologie. Qu’on sache que de leurs nombreuses trouvailles, des variétés de fruits sont encore appréciées aujourd’hui.

Dans les années 1830-1840, des pépiniéristes établis à Bruxelles, Malines, Jodoigne, Fleurus, etc., et dans le pays de Tournai, fournissaient des greffes de deux ou trois ans qui se vendaient à cette époque quinze à vingt francs la pièce.

À Châtelet, deux pépinières sont établies : l’une au quartier d’Outre-Biesme, près de la Sambre ; l’autre se situait au lieudit « Troquette » dans les environs de la rue d’Acoz tirant vers Bouffioulx.

Dans notre village, certains Preslois savaient eux aussi pratiquer le greffage de pommiers, poiriers, pruniers, de variétés excellentes et de bon rapport. Et ici, nous pensons à Ursmer Bourlet, menuisier qui, âgé de plus de quatre-vingts ans, greffait des sujets de toutes espèces en disant à son entourage : « Vous verrez dans dix ans quels beaux arbres fruitiers j’aurai dans ma closerie ». Nous traduisons en wallon : « Vos vîrez dins dîj ans qués bias âbes à frûts d’jarai dins m’clôsère ».

Il y avait bien sûr d’autres de ses concitoyens qui pratiquaient le greffage, entre autres des représentants des familles Mourmaux, Gilles, Lorent, Grenier, Gravy, etc., dont des arbres fruitiers plus que centenaires donnent encore à l’heure actuelle de belles récoltes de fruits que nous ne trouvons plus sur les marchés.

Les variétés d’arbres fruitiers deviennent nombreuses au XIXe siècle. En effet, le pépinié­riste Xavier Grégoire-Nélis, présenta à l’exposition universelle de Paris, en 1867, deux cent soixante-cinq variétés de poires avec d’autres fruits.

À Presles et dans notre région, nous pouvons dire qu’on cultivait, en fait de poires, les variétés de Bézi, celles des Bergamottes, quelques Beurrés, notamment le Durondeau bien connu mais qu’on appelait la « poire de Tongres ». Il y avait aussi la Passe-Colmar, la Passe-Crassane, qui sont deux fruits excellents. On trouvait des Calebasses à la Reine, des Cuisses-Madame (fruits volumineux), la poire Saint-Jean, la poire d’août, la poire du Curé (gros fruit plutôt pour cuire), la poire grise ou de « Bon Poirier » (dont les fruits étaient petits mais d’excellente saveur) et beau­coup d’autres.

Quant aux variétés de pommes, nous citerons les Belles-Fleurs simples et doubles, la Calville des Prairies, dite « cwastrèsse », la Courte-pendue, les Reinettes grises ou bien de France, la Gris-braibant, les pommes douces, les pommes d’août, le Bon-pommier (excellente petite pomme à tous les usages qui se conservait jusqu’en mai), les Rambours d’été, d’automne et d’hiver (variétés de bon rendement et de bonne conservation), etc.

On avait connaissance de la petite prune bleue « Altesse simple » qui deviendra double, la prune de Monsieur, les Reines-claudes vertes, dorées, dites « roudjes-cus », les mirabelles dites « bilokes di tchén » (bleues ou jaunes) qui étaient tout à fait rondes.

Qui parle de plantations parle aussi de récoltes. Il est indéniable que les vergers produisaient une récolte lucrative pour leurs propriétaires, autrement à quoi bon avoir planté des arbres, et ce, au détriment des prairies, car l’herbe croissant sous les ombrages ne pouvait donner qu’une demi récolte. Il pourra être avancé que les bestiaux étaient peu nombreux et qu’ils trouvaient assez de subsistance dans les vergers et les autres prairies du village.

Soit, mais si nous faisons un simple petit calcul et que nous évaluons seulement par année ordinaire la récolte de fruits à 50 kg par arbre (à notre avis, cette quantité est minime au regard de ce que pouvait être la réalité), cette opération nous conduira à une imposante quantité de fruits.

Il y a lieu de se demander à quel usage était destinée cette marchandise périssable, lorsque nous savons que la population de Presles resta de longues années stationnaire au nombre de plus ou moins huit cents habitants.

Jadis, la variété et l’abondance des fruits exotiques n’étaient pas répandues comme nous la connaissons aujourd’hui.

Il est certain qu’au temps passé, les habitants mangeaient les fruits du pays. Sans l’ombre d’un doute, après avoir tiré les provisions, la production des vergers était mise dans le commerce ou industrialisée.

Bien avant la Révolution française, il est fait état dans les archives du « stalage », étalage de fruits, mis en vente. Sous l’ancien régime, en 1731, par usage et coutume, une taxe de la valeur d’une poignée de fruits était imposée sur chaque panier exposé. Cette coutume s’est perpétuée sur les marchés, le prix de vente et la redevance pouvant avoir changé.

À côté des bonnes gens qui faisaient des provisions, des conserves pour leur usage domestique, l’industrie s’est emparée de cette marchandise que sont les fruits.

Nos grands-parents qui vécurent au siècle dernier et s’éteignirent dans le premier quart du XXe siècle, nous ont appris quelques moyens en usage de leur temps, pour conserver les fruits. Oyez donc, quelques bonnes recettes du temps passé.

On cultivait une petite poire grise qui était granuleuse, peu juteuse, mais fort sucrée, appelée la poire du Bon Poirier. Les fruits cueillis, voire même abattus à la gaule, étaient mangeables crus, mais pouvaient aussi être mis à sécher, soit au soleil, au-dessus du four ou auprès de toute autre source de chaleur. Après quelque temps, les fruits déshydratés, ratatinés et secs étaient mis en sac de toile qu’on suspendait à une solive du grenier. Il suffisait à la ménagère de prendre quelques poignées de poires séchées, de les plonger dans de l’eau un peu tiède, pour que les fruits reprennent leur forme pour être mangés tels ou en compote. Ces fruits déshydratés étaient appelés des « figotes ».

Ce moyen d’utiliser les poires créa une industrie et un commerce. Une de nos arrière-grand-tantes, native de Presles, nommée Marcelline Gravy, épousa un villageois du nom de Émile Delforge ; eux et leur descendance furent surnommés « lès Figotes » en raison qu’ils œuvrèrent leur vie durant à faire sécher des poires et les vendre. Ils allaient, avec leur cheval et leur charrette bâchée, par les villages, vendre les produits de leur petite industrie, en l’occurrence des « figotes » et du « pwarè ». Ils pratiquèrent longtemps ce commerce, si bien que nous l’avons encore connu avant, pendant et après la guerre de 1914-1918.

Il se pratiquait aussi des provisions de pommes séchées. Pour faire cette conserve, on recherchait des pommes de la variété des Rambour d’été ou d’automne, qui étaient plus appréciées que toutes les autres. Les fruits étaient pelés et coupés en rondelles ni trop épaisses ni trop minces. Les rondelles des pommes étaient alors enfilées par leur centre sur un fil de coton ou une fine ficelle. Ces espèces de chapelets étaient alors suspendus contre une muraille exposée au soleil ou auprès de toute autre source de chaleur. On pouvait aussi étendre les rondelles de pommes sur des claies, des platines, pour les faire sécher. Après quelque temps, les fruits déshydratés étaient mis en bourse de toile et le même processus que pour les poires s’ensuivait. En patois, on appelait ces pommes séchées des « orayes di bèguènes » ou « dès tchitches ».

Les prunes de la variété des Altesses (simple ou double) étaient aussi mises à sécher et à conserver comme ci-dessus, pour les employer durant la durée du « Temps noir », c’est-à-dire au cours de l’hiver.

Outre les confitures de fruits que nous connaissons, nos aïeux faisaient avec les poires et les pommes des marmelades. C’était une confiture presque réduite en bouillie qu’on conservait généralement dans des pots de grès dits « de Bouffioulx ». Elle était mangée avec du pain beurré ou tout simplement, elle servait de dessert au cours de l’hiver.

La marmelade de poire s’appelait du « pwarè », dénomination impropre, car le vrai poiré est une boisson faite avec le jus fermenté des poires, comme nous en parlerons ci-après.

« Pou fé dou pwarè (marmelade), i faut pêler lès pwâres èt lès niètî di l’après-din.né. Al vèsprèye on mèt l’marmite su l’feu. Quand l’machûre boût, i faut machî avou l’machwè jusqu’à tant qu’ça èst r’tcheû èt aminè d’ène miète di pus d’ins tièrs. I faut mwins côps machî toute li gnût pou fé deûs trwès sayas d’pwârè ».

M.C.

(Pour faire du pwarè – marmelade -, il faut peler les poires et les nettoyer l’après-midi. À la soirée, on met la marmite sur le feu. Quand cela bout, il faut mélanger avec une spatule jusqu’au moment où cela retombe d’un peu plus d’un tiers. Il faut parfois mélanger toute la nuit pour faire deux ou trois seaux de poirés).

Le vrai poiré était une liqueur que l’on retirait des poires pelées, pressées et fermentées, soit pour la boire, en faire du vinaigre, même de l’alcool. Cette boisson se faisait ordinairement pure et on y ajoutait de l’eau que pour en augmenter le volume, ainsi étendu d’eau, le poiré ne se conservait pas. Le poiré est assez nettoyé ou paré pour pouvoir être bu au bout d’une vingtaine de jours. Après un ou deux mois de séjour dans les tonneaux, il offre une boisson fine et dont l’acidité est des plus agréables. Le poiré peut aussi être augmenté d’un bon alcool qui en fait ainsi une liqueur spiritueuse. Le poiré bouilli à la sortie du cuvier du pressoir donne un excellent sirop avec lequel on fait le raisiné (voir ci-après).

Par habitude, certains villageois, quelques jours après la nouaison des fruits, enfermaient dans une bouteille ou un bocal une poire de la variété Espéren ou Louise Bonne d’Avranches. Le récipient restait attaché au poirier jusqu’au développement complet du fruit. Aux heures suivant la récolte, du bon genièvre était versé sur le fruit. Pour corser la saveur de cette boisson, certains ajoutaient quelques clous de girofle et deux baies de genévrier et un peu de sucre candi. Cette boisson était fort appréciée par les anciens.

De même, par habitude, une poignée ou deux de groseilles noires ou cassis, lavées et nettoyées, étaient déposées dans une bouteille. Sur les fruits, du sucre candi, de la cannelle, quelques clous de girofle étaient déposés. La bouteille avec son contenu était exposée sur l’appui intérieur d’une fenêtre exposée au soleil, pendant une quinzaine de jours. Le récipient bouché, sous l’action de la chaleur le sucre fondait et un sirop enrobait les groseilles noires. Après avoir estimé que le temps avait assez duré, la ménagère remplissait la bouteille d’un bon genièvre. C’était aussi une boisson délicieuse, bonne, disait-on, pour les aigreurs d’estomac.

Les enfants aimaient manger les groseilles, mais il arrivait souvent qu’ils avaient « une chique » (enivrés).

« Pou fé dou bon  cassis, mète dins –in bocau, ène jate di nwarès gurzèles, ène min.me jate di fé suke èt ène boutaye d’alcol pou frûts. Bouchî èt lèyi èsposè au solia, li timps qu’on vout. Rimète li djus dins ène boutaye… Awè sogne di n’nén doner lès gurzèles auzès pouyes… èles s’rin.n’sôles.. dj’ai ieû l’fârce ».

M.C.

(Pour faire du bon cassis, mettre dans un bocal une tasse de groseilles noires, une même tasse de fin sucre et une bouteille d’alcool pour fruits. Mélanger et laisser exposer au soleil le temps que l’on veut. Remettre le jus dans une bouteille. Avoir soin de ne pas donner les groseilles aux poules… Elles seraient saoules… J’ai eu la blague).

La même pratique se faisait avec des prunes, des cerises, particulièrement celles du cerisier du nord.

Les prunes d’Altesse simples ou doubles se conservaient au vinaigre dans des pots de grès. Les fruits entiers, lavés et nettoyés, étaient d’abord échaudés après avoir été piqués avec une fourchette, dans du vinaigre de vin bouillant. Après dix minutes d’ébullition, les fruits étaient retirés et mis à refroidir ainsi que le vinaigre. Vingt-quatre heures après, les prunes étaient de nouveau jetées dans le vinaigre bouillant avec un kilo de sucre fin par kilo de fruits, plus quelques clous de girofle, du poivre en grains et des baies de genévrier. Toutes ces matières ayant bouilli dix minutes, il ne restait plus qu’à laisser refroidir et mettre dans le pot qui était couvert avec une étamine et un fort papier gris pour éviter les souillures qui auraient pu se produire dans le local, qui devait être une bonne cave.

Le raisiné est une sorte de confiture qu’on obtient par l’évaporation du suc de raisin jusqu’à consistance d’extrait et à laquelle on mélange d’autres fruits à pépins ou à noyaux. Lorsqu’on faisait le raisiné avec soin et qu’on désirait qu’il soit délicat, c’était la poire Messire Jean, bien pelée et coupée par quartiers, qu’on employait. On faisait un raisiné grossier avec du moult de cidre et des pommes communes.

Jadis, on récoltait le jus de pommes broyées et passées au pressoir pour obtenir du cidre. La liqueur vineuse passée de la fermentation à l’acidité donnait, après avoir été clarifiée, un excellent vinaigre de pommes.

Toutes les variétés de pommes peuvent servir à la fabrication du vinaigre. Les fruits préalablement broyés dans un baquet en bois ou une auge en pierre, étaient passés au pressoir après trois ou quatre jours de macération. Le jus, récolté dans des pots en pierre (grès), ceux-ci étaient entreposés dans un local dont la température oscillait entre 15 et 20 degrés.

La fermentation qui se produisait pouvait être activée par quelques grammes de levure sèche. Au bout de quelque temps, il se formait une peau sur la surface du liquide qui s’épaississait au cours de la fermentation. Lorsque celle-ci était arrêtée, le liquide était clarifié et le vinaigre ainsi obtenu était mis en bouteilles soigneusement bouchonnées.

« Pou fé dou vinaîgue i faut gârni l’prèsse avou dou strin, i faut spotchî les frûts avou li spotchwè d’bos èt mète tout li spotchadje èl prèsse, prèsser, ritirer li rèstant dès pulples, mète li djus dins l’tonia avou dès pias d’vinaîgue, lèyi travayi… èt pwis mète dins dès boutayes »

M.C.

(Pour faire du vinaigre il faut garnir la presse de pailles. Il faut écraser les fruits avec le pochoir de bois et mettre les fruits écrasés dans la presse. Presser et enlever le restant de pulpe. Mettre le jus dans le tonneau avec des peaux de vinaigre, laisser macérer et ensuite mettre en bouteilles).

DIV001   Lettre du comte Jacques d’Oultremont

Au cours des années 1928-1935, étant au service du comte Jacques d’Oultremont-d’Ursel, je me trouvai devant plusieurs centaines de kilos de pommes, rejetées pour la conservation dans le fruitier. Ne sachant que faire de ces fruits petits, parasités ou tombés et étant novice dans la fabrication du vinaigre, je tentais néanmoins la recette de nos aïeux. Ayant trouvé dans les dépendances du château le matériel adéquat, je procédai à la fabrication du vinaigre, comme dit ci-dessus. La réussite fut beaucoup plus complète que celle que j’espérais. La liqueur obtenue aurait pu être bue pour s’en désaltérer. Le procédé est des plus simples, il suffit d’avoir des pommes pour pouvoir le réaliser.

À cette époque, dans les jardins du château, on pouvait dénombrer plus de cinquante variétés de poiriers, vingt-cinq variétés de pommiers et la moitié moindre de pruniers. En complément, nous citerons des cerisiers, des abricotiers, des pêchers, des vignes, même des figuiers, des noyers, des châtaigniers et autres arbrisseaux : tels que groseilliers, framboisiers, noisetiers. Toutes ces espèces d’arbres et arbustes fruitiers rapportaient chaque année une bonne récolte de fruits qui se conservaient de longs mois dans le fruitier.

Ainsi, les premières poires étaient mûres en août, la maturité des autres variétés s’échelonnant jusqu’en mai de l’année suivante ; il était aussi pareil pour toutes les variétés de pommiers. Les cerises et les prunes ne sont que des fruits de saison, les variétés hâtives de cerises mûrissaient fin juin, auxquelles un peu plus tard succédaient les prunes jusqu’en octobre, quand l’automne était favorable à la végétation.

Les vergers d’autrefois étaient plantés d’arbres fruitiers de plein vent dont la récolte était destinée à la vente pour les besoins des populations.

Aujourd’hui, si nous nous attardons sur un marché, à l’étal d’un commerçant, nous ne voyons plus que quatre caisses, parfois six, de poires et pommes, très rarement, nous trouverons un fruit du pays : ce sera une exception.

Si l’aspect des fruits mis en vente est plaisant à regarder, la marchandise n’a plus la saveur des fruits que nous avons connus il y a cinquante ans, et encore faut-il les essuyer convenablement avant de les déguster, mieux encore, les éplucher afin d’enlever les produits chimiques utilisés pour leur conservation.

Sur de nombreux hectares, les producteurs de fruits ne cultivent plus que très peu de variétés, faciles à entretenir et donnant des récoltes poussées aux fertilisants chimiques, et qui sont devenues, si nous pouvons le dire, industrialisées et commercialisées.

Et encore, les espèces cultivées ne sont pas originaires de la Belgique, elles proviennent de l’étranger et ont été adaptées (nous aurions dit plutôt adoptées) au détriment des fruits belges, dont la renommée est immémoriale et qui s’est étendue au début du XXe siècle en Amérique et dans d’autres pays du monde.

Car la pomme Golden vient des États-Unis ; la Cox-Orange est anglaise ; la Belle-de-Boskopp est hollandaise ; la Jonathan est américaine ; la James-Grive est écossaise ; la Granny-smith est originaire du Cap.

Parmi les poires, celles de Durondeau, du Doyenné du Comice qui prédominent encore, peuvent dans les années à venir faire place à la poire conférence qui est anglaise et à d’autres variétés qui viendront de l’étranger.

Le déclin de la pomologie belge est venu après la guerre mondiale de 1914-1918, les esprits ont changé en adoptant des méthodes et des procédés nouveaux qui, à notre avis, n’ont pas apporté le résultat escompté, mais dans maintes disciplines, ont anéanti les usages et les coutumes des anciens.

L’homme d’aujourd’hui se croit être un dieu, voulant savoir tout faire en changeant les lois de la Nature, et allant de lui-même à sa perte s’il ne change pas ses procédés.

 

Notes 2

Au temps de notre enfance, les parcelles arborées d’arbres fruitiers étaient nombreuses et les gamins d’alors pouvaient aller « à maraude » partout dans le village.

De nos souvenances, nous citerons :

  • au tchaurnwé (charnoi) li closère dou vîy Ursmer Bourlèt ;

  • à Goliaz, le verger de la cense ;

  • rue de Fosses, èmon J.B.. Cerfaux ;

  • su lès Falîjes, intre les mèlèzes èt l’tournant à Fonse dou pwèl (Alphonse Martin) ;

  • aux Waibes, en face d’èmon bèrikes (Arnould) èt Sylvère ;

  • su l’tiène au d’bout dèl ruwale sint-Djôr (rue saint Georges) li cé dou vîy Bourlet ;

  • à costé padri èmon Bratchotte, li cé dou roudje (Lorent), èt li cé da Pier Mourau ;

  • dins l’ruwale sint-Djôr, li cé d’a sint Djôr (Gaspard Grenier) au cu di s’djardin èt à drwète au cu du djardin di l’iscole, el cé d’à Fonse dou pwèl ;

  • rue haute en face d’èmon Marique, d’à Marique (Mary) ;

  • tout près dou bos dilé l’cimintière, li cé dou mon.nî ;

  • en face dèl tchapèle sint Djosèf, li cé da Fonse dou pwèl ;

  • ruwe di l’eglije èmon l’Blanke dou soyeu (Pochet) ;

  • dilé l’pont du pré Burniat, li tchampia (au comte) ;

  • àl cinse dèl Cahoterie ;

  • dins l’pârc dilé l’grègne dou tchestia ;

  • en montant aus vîys-saurts : èmon lès gadin.nes (Mousset), èmon Mambour ; pus bas qu’èmon Lowis Borck, li cé d’a Fonse dou pwèl ;

  • dans les jardins du Chef-Lieu, par-ci, par-là, quelques arbres à fruits de diverses espèces.

 

Au Coumagne, nous en trouverons :

  • èmon Layite (Résémente) ; èmon l’Binauche (Fr. Wauthiez) ; èmon van Eeckhout (act. Cochez) ; èmon Batîsse Fouyén (Gilles) ; èmon Mardjo (Anciaux).



Rue de l’S :

  • èmon Pouleûr, èmon Thibaut, èmon Maurico (Fidèle Tilmant).



Rue Al Croix :

  • il y avait dans les jardins et les prés des anciennes maisons, des arbres, fruitiers : èmon Saudron ; èmon Douar dou Canon (Wauthier) ; èmon Quiqui Gravy-Djaquet ; èmon Lepage ; èmon Twène Martchand ; èmon Batîsse Maurlî, èmon Titine-Djan (E. Delforge-Mainjot).



Rue Grande :

Rares étaient les propriétés où il n’y avait pas d’arbres fruitiers car des vergers s’étendaient sur des prés. Nous en trouverons :

  • èmon Monjacque (Duquenne-Goemans) ; èmon Riète Matiène (Lejour-Charlier) ; èmon Cisse (V. Gravy-Charlier) ; au Gros Gayî (Gustave Martin) ;

  • quelques arbres derrières les maisons : èmon l’coucou (Fidèle Pouleur) ; èmon l’tchaurlî (P.J. Blampain) ; èmon V. et O. Paquet ;

  • dins lès pachîs d’à Gusse èt d’à Djan Mourmau ; èmon Jules Dambly ;

  • en remontant vers la Bergère, quelques arbres par-ci, par-là.

 

Note : le verger des « Longs Prés » ne date que de 1930.



Quelques espèces et variétés d’arbres fruitiers cultivées au début du siècle :

Poires = Pwâres

  • Di bèrgamote

  • Di bèrgamote d’èst ou di Pintecouse

  • Di bèrgamote d’ivièr

  • Di calebasse

  • Di crausse keûwe (queue grosse, épaisse)

  • Di crau vèrdon

  • Di bèrbis (mouton)

  • Di musc ou mantche d’alène

  • Di fin-or

  • Di l’djipont (de légipont)

  • Di cardinâl

  • Di bon crètyin (bon chrétien William)

  • Di passe crassane

  • Di passe colmâr

  • Di louwise bone (D’Avranches)

  • Di bon pwârî (franc bon poirier)

  • Beurré d’ardenpont, durondeau, etc.

 

Pommes = Pomes

  • Di calville blanke (cwastrèsse)

  • Reinette = rin.nète do France ; sitwèléye ; grîjète

  • Capendu = capindu ou p’tite rin.nète

  • Pome d’aoûst, di bèle fleûr, di fièr ; di doucin, di rambour d’èsté, d’autone, d’ivièr ; di p’tit bon pomî ou di rabaèl (transparente de Concels)

 

Prunes = Pron.nes

  • D’altèsse ; di Lovin ; Nôbert ; monsieur ; prunau au wagnon ; priyèsse (mirabèle) ; rodje biloke, vète biloke ; roudje-cu ou cul doré ; rin.ne Claude.

 

 

1 Édité en 19.. in

Les textes en dialecte sont des traductions de Maurice Chapelle

2 Ndlr. Nous avons délibérément choisi de conserver cette nomenclature, même si les lieux ne correspondent plus au paysage actuel, pour évoquer la beauté, les splendeurs naturelles du village d’autrefois.

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