Les cabarets d’ hier et ceux d’ aujourd’hui
Les cabarets d’ hier et ceux d'aujourd’hui 1
Une promenade dans les rues de notre village au temps que nous appelons « la Belle Époque », nous aurait permis de nous arrêter et reposer dans les nombreux cabarets établis un peu partout.
En savourant une goutte de péket ou une bonne chope de bière, que d’histoires, d’anecdotes racontées dans le patois du terroir, n’aurions-nous pas entendues.
En ce temps-là, la population se comptait entre sept à huit cent âmes, était desservie par une bonne cinquantaine de cabarets qui florissaient dans la commune.
"Florissaient" est peut-être un bien grand mot, car nous ne pensons pas que les tenanciers se soient retirés après fortune faite.
Mais serait-ce à dire alors que nos pères étaient des soiffards et qu’ils seraient devenus plus sages au cours des temps?
Il n’en est rien et il ne nous est pas permis d’accuser nos villageois d’aimer plus que d’autre la dive bouteille.
Au temps passé, la branche de sapin ou la botte de genêt « li pèton » qui raclait la muraille, amicalement, nous aurait fait signe d’entrer prendre un verre.
Dans la salle basse, pavée, bien sablée, des tables rustiques en bois de frêne, garnies de « cotonnade » blanche à carreaux rouges ou bleus, comme les rideaux des fenêtres, nous auraient invités à nous asseoir sur des tabourets de même style.
Garnissant le fond de la muraille, l’étagère en bois ou en fer, où étaient alignés les verres et les pots, devant laquelle trônait « li candjelète », le haut comptoir en bois de chêne.
Dans le demi-jour, accrochée au plafond en voûte, pendait une lampe de cuivre ou un crasset fumeux.
Tel était le cabaret d’antan, celui du bon vieux temps, où l’on se sentait chez soi et où chacun suivant sa faconde, racontait la sienne, « li nouvèle coudûwe », son histoire, vraie ou fausse, caustique, satirique, méchante parfois aussi, mais racontée dans l’esprit et le sel du terroir.
C’était ça le cabaret du village, tenu par des gens de chez nous, dont le tenancier travaillait souvent de son métier chez lui : comme Lorent « li marchau », Blampain « li tchaurlî », Bourlet « li munusier », Decelle « li tailleûr », et combien d’autres ainsi.
Sinon, il allait travailler au château, chez un particulier, un fermier ou un artisan, pendant que son épouse, tout à ses occupations ménagères et familiales, servait à boire à des clients de passage.
La multiplicité de ces cabarets avait sûrement une raison.
Les moyens modernes de locomotion dont usent nos contemporains pour se déplacer, n’étaient pas encore tout à fait inventés. Ce n’était plus vraiment la grande époque des diligences, mais le charroi tracté par la force animale était encore dans son grand essor.
Au long des routes, des chariots et des charrettes transportaient vers les villes et les villages une quantité de marchandises nécessaires aux besoins des habitants.
Tout ceci étant pour le charroi, mais combien d’autres gens se déplaçant à pied, devaient faire nombre de lieues tous les jours pour se rendre à leur travail ou à leurs affaires.
Les cabarets étaient alors tout indiqués comme pied-à-terre, pour se reposer, se restaurer soi-même ou affener (sic. donner du foin ?) sa monture, et parfois même y passer une nuit quand le voyage à faire était long.
Pour nos villageois, c’était le lieu de délassement pour faire sa partie de cartes après la messe, de quilles le dimanche après-midi, ou s’amuser honnêtement lors des concours de jeu de balle et des réjouissances populaires.
Les temps modernes ont anéanti la plupart des cabarets de village, la population cherchant ses amusements bien loin de chez elle et dédaignant les lieux de plaisir que nos aïeux aimaient tant.
Nous ne pensons pas que la nomenclature des cabarets que nous allons faire sera complète, nous en oublierons certainement, car plusieurs n’eurent qu’une durée éphémère.
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Rue de l’Église
Près de l’église, reconstruite en 1864, il y avait deux cabarets. L’un était tenu par Joseph Carly-Wauthier, l’autre par Désiré Pochet, dit « li soyeû ».
À l’entrée de la rue, côté gauche, Edmond Genot, dit « li Sacau », de notre degré de cousinage, reprit le cabaret de son père Émile.
Notre cousin aussi, Julien Mollet, garde-champêtre, habita cette maison avec son épouse Éloïse Lambot, mais ne reprit plus le cabaret, quoique nous sachions bien qu’il aimait les petites et les grandes gouttes de péket.
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Rue du Pont
Dans cette rue, nous aurions trouvé comme cabaretier, Julien Tilmant ; on disait alors « èmon li pitite Claîre » en raison de la taille de sa femme.
En face, celui de « Nonore Doyen », Éléonore Paternotte, qui vint s’établir dans cette maison quand elle quitta son cabaret de la Drève.
Vis-à-vis de l’ancienne maison communale, on disait autrefois « A l’Tchambe » (chambre communale), Louis Clouet tint le cabaret après son père Charles qui fut conseiller communal en 1836. La veuve de Louis continua le débit jusqu’à sa mort arrivée en 1890.
Au temps du vieux Presles, ce complexe était dénommé « LE RELAIS », constituant un pied-à-terre pour que les voyageurs puissent boire, manger ou y passer la nuit. À cette époque, cet établissement se trouvait en bordure du grand chemin de Châtelet à Namur, la Nationale n° 22 n’étant pas construite.
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Place communale, anciennement le Fourneau
Nous citerons pour mémoire le cabaret de l’arpenteur Barthélémy Goemans, celui de Gustave Martin, vis-à-vis de la chapelle Saint Roch, et celui de Mathieu, où l’on jouait aux quilles.
À gauche, près de l’école communale bâtie en 1871, celui de Joseph Baudelet, qui fut « madjustêr » (clerc-chantre) et secrétaire de la commune. Une aire de jeu de quilles se trouvait devant la maison.
Dans la salle dont le parquet était en bois, sur lequel on semait du sable blanc, il y avait un grand billard, la table recouverte d’un tapis vert. Si mes souvenances sont bonnes, c’était un billard Toulet.
Plus tard, ce cabaret fut repris par Antoine Legrand, marchand de cycles ; après lui Léon Baudelet, marié à Marie Borck, qui fut le dernier taillandier de Presles.
Près de la chapelle Saint Roch, nous aurions trouvé le cabaret de Vincent Wauthier et celui de Joseph Decelle – les villageois avaient l’habitude de dire « émon l’tailleûr », qui confectionnait des habits de noces et autres.
Sur le coin de la Place avec la rue de la Rochelle, se trouvait le cabaret du « Marchau » Joseph Lorent, dit aussi « li Roudje ». On disait encore « èmon Crustine », son épouse s’appelant Christine Pouleur.
À remarquer que Joseph Lorent est acté à l’État-civil sous les noms de Jean-François et son épouse Catherine-Christine. De leur mariage ils eurent deux fils : Émile, né en 1862 et Joseph, né en 1868, à Presles.
Jean-François, dit Joseph Lorent, avait une forge et était maréchal-ferrant.
Le café fut repris par son fils Émile Lorent, dit « li Roudje », marié à Thérèse Gilles, dite « Térèse Fouyén ». Émile fut un fin maréchal-ferrant, œuvrant surtout pour les maîtres du château de Presles ; ces derniers, connaissant ses capacités, l’envoyèrent en Angleterre et en Irlande pour ferrer des chevaux. Ce maréchal-ferrant savait façonner un fer à cheval sur mesure comme un cordonnier faisant une paire de souliers pour les pieds de son client. De plus, « li Roudje » savait ferrer à froid, ce que beaucoup de ses collègues ne savaient faire.
Ce maréchal-ferrant fut aussi en son temps un artiste-peintre car, outre son portrait et des tableaux, il décora lui-même les murs de son cabaret par des peintures représentant des vues des batailles de guerres napoléoniennes et des paysages du meilleur goût.
La salle devint un véritable salon où la jeunesse aimait venir danser. L’ambiance était grande « èmon l’Roudje » lors des festivités locales, on dansait dans toutes les places au son de l’harmonica (musique à bouche) ou d’un accordéon ou d’un petit orchestre car les fils du « vîy Roudje » étaient musiciens.
Vis-à-vis de la papeterie, Ursmer Bourlet tenait cabaret tout en œuvrant à son atelier de menuiserie, et son fils Oscar se spécialisera dans la fabrication des tableaux noirs et des ardoises pour les écoles.
À l’extérieur sous la menuiserie, on jouait aux quilles. À l’intérieur au-dessus du café, une salle de danse était aménagée. Elle permettait à la jeunesse et autres de s’adonner à la danse et de se trémousser lors des réjouissances communales ou à certains bals organisés.
La Société Dramatique « Les Nerviens » fit de ce cabaret son local avant d’aller au « Sapin Vert ».
Ce cabaret fut toujours très bien achalandé et pendant de nombreuses années, Jules Mainjot-Bourlet (les successeurs) en furent les tenanciers. C’était aussi le siège des sociétés de jeu de balle, colombophile, etc. 1…
Il y avait encore à côté du précédent, le petit cabaret de « Driyin Brachote » (Adrien Brachotte), son épouse était mieux connue sous le nom de « Marîye dou Tchanetî » (Marie Jacquy) et sur l’autre coin, le cabaret de Jean-Baptiste Quinard, marié à Thérèse Maingeot.
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Rue de la Rochelle
Celui ou celle qui, d’aventure, passe à la Rochelle, trouvera au cours de sa promenade des maisons basses : ce sont les plus anciennes.
La plupart des habitations sont construites en pierres tirées au XVIIIe siècle, des carrières exploitées en maints endroits de notre village.
Au cours des temps, certaines demeures ont été rajeunies, modernisées et les travaux d’amélioration de la voirie, sans excès, permettent d’observer que la Rochelle est une rue possédant des caractéristiques personnelles et pittoresques.
Néanmoins, à l’heure actuelle, certaines transformations des lieux modifient l’aspect de la Rochelle d’il y a moins de cent ans.
Venant de la rue du Pont, à la Rochelle, et allant vers la Place Communale, nous aurions d’abord trouvé le cabaret du « Blanc Martchand » (Jean-Baptiste Marchand) avec son jeu de quilles.
Celui de Stanis Lambot, beaucoup mieux connu sous la dénomination « èmon l’grosse Gravy » (Célestine Gravy), grand-tante de votre serviteur.
Non loin de ceux-ci, le cabaret de Théodore Mollet, encore mieux connu sous le nom de « èmon Jélique », son épouse s’appelant Angélique Lambot. C’était le cabaret où on faisait des frites et où se vendait la saucisse de Bologne. Le dimanche, on y jouait de la musique et, à l’occasion, des sauteries (danses) étaient organisées. C’est là aussi que se jouaient d’interminables parties de « kine » (loto), entre les joueurs de tout âge. Celui qui avait l’intention de jouer, entrait, prenait une carte dans une caisse et payait un sou, s’asseyait et attendait le commencement de la partie. Le nombre de joueurs étant atteint, juché sur un escabeau, le crieur tirait du sac les « bibelots » (numéros) qu’il criait. Celui qui avait le plus vite sa carte pleine était déclaré le gagnant et recevait son cadeau, soit : un paquet de frites ou une saucisse ou une autre friandise, parfois un petit verre de bière ou une petite goutte de péket.
À la Noël, c’était aussi le rendez-vous des joueurs pour disputer aux cartes des « traîrîyes » de cougnous (série de sept cougnols).
Ce cabaret fut aussi le local de la Société Dramatique « Les Nerviens » à sa fondation, dernière décennie du XIXe siècle.
De cet ancien cabaret, nous dirions que les bâtiments sont modernisés et que M. Daniel Deravet, instituteur communal, en a fait sa résidence.
Nous n’oublierons pas de citer le cabaret de Victor Fauchet, celui de Joseph Bossuroy (on disait « èmon Nathalie ») ; celui de Gustave Jacquemain avec son jeu de quilles et son officine de coiffeur.
Encore celui de Fidèle Mollet, repris par Joseph Lorent, dit « li gros dou Roudje », marié à Laure Mollet. Il était maréchal-ferrant et avait sa forge à côté de son estaminet. La forge n’existe plus, ayant fait place à une maison dont la façade est en briques rouges.
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A l’ Sitrôlette ou rue des Taillandiers
Près du pont de la rivière, la première maison fut habitée par Charles Blampain, charron et cabaretier.
Son fils, Justin Blampain-Husson, continua le métier et le cabaret, son épouse vendait des graines potagères au poids de l’once (30 grammes). Le Justin était « tchaurlî » (charron) mais, à l’occasion, devenait « tocqueû » (abatteur de cochons). Armé de ses coutelas, il savait vous tuer proprement un porc, l’arranger et le mettre au saloir, faire les tripes et les dépouilles. C’était un joyeux drille, les abattages valaient généralement une bonne ribotte au « Tchaurlî »
Signalons aussi le cabaret tenu par Gustave Jacquy, dit « dou Tchanetî » (marchand de chanvre). C’était là qu’avaient lieu les concours de « chants de coqs » et de « chants de pinsons ».
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De la Place communale à la route de Châtelet-Fosses
Cette voie de communication de plus ou moins cinq cents pas est baptisée à tort « Rue des Wespes » : l’insecte, la guêpe, en wallon « li wêspe » n’a rien à voir en ces lieux.
Il faut remonter le temps et à l’origine du « waibage » qui se comprenait pour le pâturage des bestiaux sur les prairies en pentes qui s’étendent depuis la rue Haute jusqu’au lieu-dit « La Bergère ».
Néanmoins, nous tiendrons compte des maisons qui se sont édifiées au cours des temps modernes et, notamment, dans la partie de la rue Al Croix jusqu’au lieu-dit « La Bergère », à la rue Grande.
L’appellation originale « Waibes » devrait être officiellement reconnue et remplacer cette fausse dénomination de « Rue des Wespes ».
Dans cette rue, nous aurions découvert le cabaret de Louis Brachotte avec son jeu de quilles.
Celui de Paul Maingeot, « l’aveûle » avec en annexe, une petite épicerie et, devant la maison, un jeu de quilles.
Lors des fêtes communales et autres, on y faisait des sauteries qui amusèrent follement nos aïeux. C’était aussi la cantine des enfants allant à l’école : dans des bocaux bien rangés, il y avait pour notre gourmandise, toutes sortes « di boubounes » (bonbons).
Le cabaret eut l’honneur d’être choisi par les anciens combattants (1914-1918) comme local de leurs réunions, ainsi que pour leurs agapes fraternelles et gargantuesques, présidées par Paulus, Comte d’Oultremont, lors de l’anniversaire de l’armistice, soit le 11 novembre de chaque année.
C’est dans cette maison qu’habita Gaston Misson, garde-champêtre et son épouse Espérance Losson.
En face du précédent, au pied du raidillon qui remonte vers la grand-route de Namur, la maison fut habitée par Florent Wauthier, dit « Francwès dou Binauche », maître de carrière, qui installa un cabaret avec un jeu de quilles. Il fut repris par Henri Anciaux, dit « Mardjo » puis par son fils Raymond, qui en fut le dernier tenancier.
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Au Paradis des chevaux
En cet endroit, il n’y avait que deux maisons (elles y sont encore aujourd’hui).
L’une d’elles devait nécessairement être un cabaret, sinon la rue aurait passé pour être bâtarde des autres, qui avaient toutes des débits de boissons.
C’est dans l’une d’elles que s’installa cabaretier Joseph Arnould, dit « Bèrikes » et les murs de son cabaret entendirent bien des histoires.
On disait aussi « èmon Bâbe » car sa femme, outre son nom Barbe Blampain, était expert dans l’art capillaire et vous faisait une coupe de cheveux et une barbe comme le plus renommé des figaros.
« Bèrikes » était homme à tout faire et devenait abatteur de cochons à l’occasion.
Son frère Émile, dit « li grand Bèrikes » habitait la maison d’à côté.
Les deux « Bèrikes » étaient de fameux compères et les farces qu’ils imaginèrent, complotèrent, seuls ou avec d’autres, dans leur cabaret, furent nombreuses et restèrent longtemps en mémoire de leurs contemporains.
La gauloiserie leur était agréable et, à malin, malin et demi, les tours pendables qu’ils jouèrent ne furent pas toujours à leur avantage : en certaines occasions, ils reçurent la monnaie de leur pièce.
Naturellement, les frères « Bèrikes » n’étaient pas de mauvais bougres, ni méchants ; ils ne se formalisaient pas des farces dont ils avaient été les victimes, riant avec ceux qui les avaient joués, se promettant de les « ravoir » au prochain tournant (jouer ou faire une farce pareille), du moment que les affaires du cabaret allaient bien, c’était le principal.
C’est dans cet établissement que se rassemblaient les farceurs, ne sachant qu’inventer pour faire des niches à leurs concitoyens, pas toujours méchantes, mais il resta des souvenirs de leurs exploits, si bien que dans certains cas, le garde-champêtre et la gendarmerie durent intervenir.
Le lecteur trouvera dans nos livrets des faits divers qui se sont passés à Presles et dont le cabaret des « Bèrikes » a été le siège pour comploter, imaginer et faire des plaisanteries.
De nos jours, dit-on, nos contemporains n’oseraient plus faire des farces comme au temps passé. C’est vrai : pour un rien, deux voisins se choquent, se disputent, allant jusqu’à la violence toute simple quand elle n’est pas armée.
Pauvre est la mentalité de ceux qui, aujourd’hui, ne savent plus comprendre la plaisanterie.
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Route de Châtelet-Fosses
Lorsque la Nationale n° 22 fut construite, le charroi se fit par cette nouvelle voie de communication et délaissa le centre du village.
Des maisons s’édifièrent le long de la route et on peut dire qu’après 1850, la plupart des maisons furent des cabarets.
Nous qui écrivons en 1982, que de changements se sont produits au cours des temps, modifiant l’aspect des lieux et de l’environnement de l’an 1850.
Pour bien nous faire comprendre de nos lecteurs, nous prendrons notre départ au point de la limite de Presles et de Sart-Eustache. En faisant notre promenade, nous aurions trouvé à droite, avant le tournant de la route, le cabaret de Pierre Marchand, dit « Pière Caté » dont il sera parlé en son temps.
Repris par son beau-fils Jean-Baptiste Cerfaux, qui avait épousé Augustine Marchand, on dénomma par la suite la maison « li cabaret Cèrfaux ». Le tenancier était cordonnier et, de son mariage avec Augustine Marchand, naquirent Lucien et Jean Cerfaux.
Le premier se destina à servir la religion catholique et, par son savoir, deviendra Prélat de Sa Sainteté le Pape. Il fut professeur d’exégèse à l’Université de Louvain. Âgé de 85 ans, Mgr Cerfaux s’est éteint à Lourdes au mois d’août 1968, sa dépouille mortelle repose auprès de ses parents dans le cimetière de Presles. Ce savant resta un prêtre selon le cœur de Dieu, l’homme de la campagne. Il aimait revenir au village natal, dans la maison paternelle, sise en bordure de la route de Fosses (démolie en 1972), en cet endroit calme et champêtre où, le long des prés et sous les frondaisons, coule la rivière La Biesme. C’était une joie pour lui de retrouver ses compagnons d’autrefois pour évoquer ses souvenirs dans le bon patois du terroir.
En baptisant une rue du nom de Mgr Cerfaux, Presles lui a rendu un hommage mérité. Cette nouvelle dénomination a été donnée au chemin (anc.) qui relie la Place Communale à l’actuelle rue de Fosses.
Les grands travaux entrepris en 1972 par les Ponts et Chaussées, en vue d’améliorer la vue du tournant qui était assez dangereux, rayèrent donc l’ancien cabaret de Jean-Baptiste Cerfaux-Marchand.
Il en sera de même pour les deux cabarets villageois de Joseph Culot, cantonnier, et celui de François Culot, cordonnier, marié à Catherine Haut, accoucheuse. Ils se trouvaient bâtis presque vis-à-vis de Golias, ancienne cense seigneuriale et comtale.
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Le café du Sapin Vert est une réalisation d’après la guerre 1914-1918, installé par un nommé Wilmot, dans les dépendances de l’ancienne papeterie : c’étaient des hangars à paille qui ont été transformés en maisons.
Le cercle dramatique « Les Nerviens » y établit son local dès 1924, organisant des soirées dans une salle pouvant contenir trois à quatre cents personnes.
Des groupes organisèrent des bals, des conférences, des manifestations scolaires, on fit aussi un essai de cinéma.
Après Wilmot, si nos souvenances sont bonnes, Louis dou Tchanetî (Jacquy), y habita avec son épouse Georgette Lisen.
La salle, pour lors tenue par Olivier Gravy-Grenier, fut ravagée par un incendie et, avec ce sinistre, la commune de Presles, qui n’avait pas de salon communal, perdit une salle de spectacle.
Plus tard, s’y installa un garage-station d’essence dénommé « Garage du Sapin Vert ».
Signalons en passant un cabaret, chez « li chalè Genot », tenu par sa sœur Marie Genot, épouse du facteur Joseph Delfosse, situé au début de la rue des Taillandiers.
Le cabaret Sylvère-Robert était établi près des carrières de la « Falige ». La création de la ligne vicinale à vapeur Châtelet-Fosses lui valut d’être choisi pour les dépôts des petits colis acheminés par le tram.
Plus modernes sont les cafés qui furent tenus par Alberic Marty, combattant français de 1914-1918, qui avait épousé Marguerite Baudelet, fille de Gustave Baudelet, secrétaire communal ; et le cabaret ouvert par Antoine Legrand, lorsqu’il quitta la place communale pour installer un garage en bordure de la route dite rue de Fosses.
L’horloge du Temps poursuit sa course et la physionomie des lieux peut changer d’aspect. C’est ainsi que la route de Fosses a été scindée en deux parties ; le tournant dangereux n’existe plus et l’ancienne rue de Fosses venant de Châtelet est actuellement dans cette partie dénommée :
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Rue de l’S
À une centaine de pas du « Tournant dangereux » était établi le cabaret de Fidèle Tilmant, dit « Maurico » ; y attenait une forge-taillanderie.
En remontant la chaussée, la maison, dite « li maujo Pouleûr » fut bâtie en 1836 par Pierre Mousset, maçon, qui habitait pour lors au chemin des Vieux-Sarts, et qui avait quatre filles surnommées « lès Gadines »…
Son beau-fils Florent Pouleur la convertit en une auberge, où l’on pouvait loger à pied, avec un cheval et une voiture. Passée aux mains de la famille Pouleur, elle fut remaniée pour en faire une maison de maître.
Occupée par les Allemands en 1914, saccagée, dévastée par eux, les propriétaires vendirent la maison en tout, puis en partie, entre les deux guerres.
Un café s’installa dans la partie faisant le coin du bâtiment, sous la dénomination « À l’S de Presles ». Modernisé au goût du jour, il s’est appelé « Au Repos des Chasseurs » mais il ferma ses portes. La Nationale n° 22, ne passant plus par là, la clientèle devint rare et il ferma ses portes.
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La rue de l’S, aujourd’hui, se prolonge jusqu’à la limite de Châtelet avec Presles au lieudit « La Drève ». Ce lieudit est dû en raison d’une drève d’ormes conduisant de la route de Fosses à la grille du parc du domaine de Presles.
Au début de la rue de l’S, quatre maisons étaient implantées.
Nous trouvions le cabaret tenu par Doyen, dont la fille Mathilde épousa Gustave Baudelet, « madjustèr » (clerc-chantre) et secrétaire communal.
Après la mort de Jean-Baptiste Doyen, sa veuve « Nonôre », Éléonore Paternotte, alla réinstaller son cabaret près de la maison communale, à la rue du Pont, comme nous l’avons dit ci-avant (voir rue du Pont).
Au même endroit et faisant le coin avec la rue de Villers, Jean-Baptiste Wauthiez, dit « li cuvlî », vendait à boire tout en fabricant des cuves et des tonneaux.
Tout cet ancien quartier est bien changé actuellement, de nouvelles maisons bordent la rue de l’S, mais il n’y a plus de cabarets 2.
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Hameau des Binches
Au siècle dernier, bien qu’il comptât peu de maisons, il pouvait rivaliser avec le chef-lieu, pour le nombre de débits de boissons y établis.
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Rue Grande
De la limite de Châtelet avec Presles, nous aurions trouvé au lieudit « La Bergère » le cabaret Marc-Werbiat, établi sur le coin de la rue. On pouvait lire sur une pancarte accrochée à la façade « Au coin du Bois ».
Plus bas, Servais Mainjot, établit son cabaret dans la maison occupée actuellement par Fernande Sarteau.
Par après, Servais reprit le cabaret de Jean Gille, qui se trouvait un peu plus bas, à mi-côte. Un jeu de quilles, dont la pierre carrée sur laquelle on plaçait les quilles resta longtemps en place, après la fermeture du cabaret.
Servais Mainjot, menuisier, quitta Presles pour Gougnies.
Par-devant le cabaret, un noyer d’âge respectable ombrageait la maison et la rue. Il fut abattu en 1951, lors de la réfection de l’habitation restée longtemps en ruines ; elle fut remise en état convenable par Jules Bay-Masson.
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Au fond de la rue, nous citerons les cabarets de Ursmer Genot, dit « Bètchète », celui de Catherine Châle, ce dernier ayant été tenu par Charles Gilles et son épouse Catherine Pouleur.
Plus tard, il fut tenu par Migeot, dont une fille, Marie-Thérèse, épousa Jean-Baptiste Mourmeaux. Cultivateurs, ils ne continuèrent plus le cabaret. Aux jours des festivités, on dansait dans la salle.
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Près de là, il y avait le cabaret Auguste Mourmeaux, établi près de l’ancienne carrière Jacquet, vis-à-vis du « wez d’Bintche », le tout ayant été tenu en propriété par mon trisaïeul, Gaspard Jacquet, qui avait déjà un cabaret dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Tout cela est bien changé maintenant. Les jours de festivités, l’ambiance était grande. On jouait aux quilles sous un noyer d’âge respectable que l’ouragan de 1939 abîma si fâcheusement qu’on dut se résoudre à l’abattre.
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Nous signalerons, en remontant la rue, les petits cabarets tenus par Vincent Marc, Auguste Tilmant, fils de Auguste dit « li Pére Simon », celui d’Alexis Fosseur. Tous ont disparu et étaient situés dans les alentours de la maison de notre beau-frère, feu Octave Paquet, décédé en août 1966, marié à Irène Aubert, aussi décédée, et sœur de mon épouse Jeanne Aubert.
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Signalons aussi celui de Jean-Joseph Pouleur dans la maison dite « Djan-R’mè », anciennement Jean-Remy Pouleur, dont, au-dessus de la porte, on lit la date 1773.
Encore celui d’Adrien Martin, près du chemin Robeau, où l’on dansait et qui fut occupé comme habitation par le maréchal-ferrant Hector Vander Capellen et ses descendants.
Pendant la guerre de 1914, dans la maison contigüe à celle de Gustave Martin « dou gros gayî », ce dernier avait fait venir de Fosses des « chabotîs » (fabricants de sabots) – la famille s’appelait Puissant.
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À mi-côté, le cabaret du « gros gayî » (gros noyer), détermination due au plus gros et plus vieux noyer du village (repris sur les cartes militaires), malheureusement fort abîmé par l’ouragan de 1939, il fut abattu.
Vers l’an 1930, Fina Frédéric, épouse de Gustave Martin, m’affirmait avoir récolté plus de 40 000 (sic) noix, sans compter celles que les enfants et autres ramassèrent dans la rue.
Ce cabaret était bien achalandé ; on jouait aux quilles. Le dimanche, le tram à vapeur y amenait des gens de Châtelet et de Châtelineau, qui venaient passer le repos dominical sous les ombrages des arbres de la prairie transformée pour cette circonstance en guinguette pendant la bonne saison.
Établi par le maître de carrière Remy Martin, il passa à son fils Gustave Martin, conseiller provincial ; un stupide accident sur la rue de Namur à Châtelet conduisit ce dernier à la mort, vers 1930.
Cette circonstance malheureuse fut la cause de la fermeture du cabaret car, repris par un autre tenancier, le débit de boissons végéta encore quelques ans, pour finalement fermer ses portes, et tenter une nouvelle aventure en ouvrant un commerce de denrées alimentaires qui, lui aussi, cessa toute activité.
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Au Bordinois
Nous citerons, dans ce quartier, les petits cabarets de Louis Maingeot, près du ruisseau des Waibes ; celui d’Alexis Gravy-Jacquet, aïeux de votre serviteur ( ils quittèrent l’endroit pour rétablir un cabaret à la rue Al Croix, maison que Gaspard Jacquet avait fait construire pour sa fille Mélanie et qu’il lui donna lors de ses noces avec mon grand-père Alexis Gravy).
Ce cabaret ne dura qu’un temps très court, la Nationale n° 22 venait d’être mise en service et les cabarets établis le long de la grand-route étaient plus achalandés que celui de mes grands-parents, à la rue Al Croix.
Au Bordinois, signalons encore les petits cabarets de Fidèle Lejour, Joseph Doyen, Joseph Piraux et Hubert Bolle.
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A la rue du Calvaire
À la maison dite « de pierre », seul édifice bâti déjà en 1812, en cette rue, le propriétaire, Sylvain Bourlet, débitait des boissons.
Cette maison a été remaniée et modernisée par Raymond Serwier, en son temps conseiller, échevin, bourgmestre de Presles.
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Au Coumagne
Tenons pour mémoire le cabaret de François Wauthiez, dit « dou Binauche », maître de carrière de la Falige.
Ce débit de boissons se trouvait dans la première maison en retrait, à gauche, rue du Coumagne.
Cette maison devenue particulière, sera habitée en son temps par Joseph Delfosse, facteur des postes, et son épouse Marie Genot.
Après la guerre de 1914-1918, des étrangers auraient ouvert un cabaret dans l’ancienne maison du « Blanc Matiène » (Xavier Charlier).
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Au Bas-sart
Sous l’ancien régime, une Franche Taverne était installée et, vers 1830, le cabaret était tenu par Victor Damas.
Le cabaret ayant fermé ses portes, la maison parvint à Jacques Kesteloot, qui œuvra comme cultivateur et décéda dans cette ancienne taverne.
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Les cabaretiers et l’Administration communale3
En 1892, l’Administration communale sollicitait l’autorisation :
1° - d’établir une taxe de cinq francs sur les bals ;
2° - d’accorder à tout cabaretier ou débitant de boissons de dépasser les heures de la retraite moyennant le paiement à la commune d’une somme de dix francs pour la première heure et trente francs pour toute la nuit.
Les cabaretiers protestèrent et exposèrent leur point de vue :
1° - qu’il n’y a qu’à Presles que cela puisse exister ;
2° - que dans toutes les autres localités, même dans les grandes villes, on favorise les bals et les divertissements, qui font marcher le commerce ;
3° - que la résolution en question ne peut que nuire, tant aux administrateurs, qu’aux intérêts des débitants de boissons de la commune.
Cette réclamation était signée par les cabaretiers J. Decelle, J.-B. Cerfaux, Étienne Maillet, François Duculot, J.-B. Bourlet, Désiré Pochet, veuve Gille, Edmond Genot, veuve Th. Mollet, Joseph Arnould, François Lorent, Silver-Robert, J.-B. Wauthier, Justin Blampain-Husson.
Nous ne savons ce qu’il en a résulté.
1 Jadis, le nom de famille MAINJOT a été enregistré à l’État-civil sous la forme MAINGEOT.
2 Signalons que dans la maison presque vis-à-vis de l’ancien château d’eau, Victor Thibaut, tailleur d’habits, vendait des boissons avant la guerre de 1914.
3 Extrait des Archives Cles de la Commune de Presles