Le tram à vapeur
Le tram à vapeur1
Notre commune n'a pas été raccordée à une ligne ferroviaire, quoique fin du XIXe siècle, un projet ait été établi dans ce sens.
Le chemin de fer devait traverser le village et relier d'une part Aiseau-Tamines, et d'autre part Acoz. Le projet fut repoussé par les administrateurs communaux de cette époque 2.
Le chemin de fer aurait été tout de même bénéfique pour les industriels locaux et les cultivateurs qui devaient avoir recours à la gare la plus proche, Châtelineau, pour l'expédition de leurs marchandises et pour retirer les matières premières nécessaires à leur métier.
De grands travaux furent entrepris avant la Première Guerre mondiale pour construire une ligne vicinale, autrement dit, « le tram à vapeur ».
Ce transport public qui fut inauguré en 1915 durant les hostilités, reliait notre village aux villes de Châtelet et de Fosses.
Il rendit de grands services à nos villageois pour leurs déplacements, car en ce temps-là, l'automobile était encore presque inconnue.
On comptait deux automobiles dans la commune.
Outre le service voyageurs, le tram desservait les habitants par un service marchandises.
De Châtelet, Place Saint Roch, le siège du tram à vapeur était établi sur le côté droit des rues Saint Roch et de Namur, jusqu'au chemin des Lorrains. De cet endroit, le tram filait à travers la campagne jusqu'au lieu-dit Carnelle où il retrouvait la route Nationale n° 22 qu'il côtoyait sur le côté droit jusqu'au lieu-dit la Drève. De là, le tram s'engageait dans une tranchée et traversait la rue Al Croix, pour continuer sur une assise jusqu'au Fond des Binches. À ce point, il faisait une courbe pour suivre parallèlement le ruisseau des Waibes et le fond du Champ d'Obe pour retrouver de nouveau la route nationale, au pied de la rue du Calvaire.
À partir de là, la ligne vicinale contournera le massif calcaire de la Falige et sur la droite, suivra parallèlement la route de Fosses, jusqu'à la limite de Presles avec Sart-Eustache.
La Nationale n°22 et la carrière de la Falige vers 1950
Ci-avant, nous avons dit que des grands travaux furent entrepris pour construire la ligne vicinale à vapeur. Voyons ce qu'on dut faire.
Sur le territoire de la ville de Châtelet, les grands ormes qui garnissaient le côté droit de la rue de Namur seront sacrifiés jusqu'aux anciennes maisons. De là, la ligne suivra sur le côté droit ladite rue jusqu'au chemin des Lorrains.
De cet endroit, la ligne continuait sur un apport de terre jusqu'au lieu-dit la Roche aux corneilles, elle filait ainsi, alors, dans une tranchée et sur des terres apportées jusqu'au lieu-dit Carnelle.
Un pont dut être construit près du charbonnage de Carnelle, pour le Decauville, qui transportait le charbon et les mauvaises terres aux charbonnages d' Ormont.
De Carnelle à la Drève, le tram suivait la route de Namur sur le côté droit. Par une tranchée, il gagnait la rue Al Croix et sur des terres apportées, le tram descendait au fond du hameau des Binches et rejoignait la route de Namur, au bas de la rue du Calvaire. En cet endroit, pour laisser le passage au tram, les maisons des frères Pierre et Paul Gravy seront rasées.
Comme nous l'avons dit ci-avant, du lieu-dit la Falige jusqu'à la limite de Presles avec Sart-Eustache, la ligne vicinale était construite sur le côté droit de la route de Namur, qui était bordée d'ormes.
En ce lieu, le tram traversait la dite route pour continuer sur le côté gauche.
Comme on peut le voir par cet abrégé, la construction de la ligne vicinale avait été étudiée pour en faire le tracé qui éviterait la côte de Carnelle, l' S de Presles et le Tournant dangereux.
Pendant quatre années, des ouvriers flamands seront occupés à la construction, le travail se faisant à la main, avec l'emploi d'une locomotive à vapeur tirant des wagonnets remplis de terre ou de cailloux et les billes nécessaires, sur lesquelles seront posés les rails, les aiguillages et les bascules.
Il faut savoir qu'une équipe d'ouvriers (20-25 hommes) logeaient dans une cambuse, espèce de grande baraque en bois à un étage construite en bordure de la rue Al Croix, sur un terrain touchant la ligne vicinale.
La grande salle du rez-de-chaussée servait de réfectoire ; on accédait à l'étage en montant un escalier en bois. Sur le plancher, des paillasses, grands sacs bourrés de paille, bailles d'avoine, étaient alignées et permettaient aux ouvriers de se reposer et dormir.
Ces ouvriers flamands retournaient chez eux le samedi et revenaient le lundi, rapportant de leur village la nourriture pour toute la semaine.
Les aliments placés dans un grand sac étaient portés sur l'épaule, la moitié devant et l'autre moitié derrière. Ce moyen de transport valut à ces hommes un sobriquet. La population les appelait « les trwès djoûs pas d'vant èt lès trwès d'joûs pa drî » (« Les trois jours devant, et les trois jours derrière »).
Pendant tout le temps que durèrent les travaux, la rue Al Croix fut animée par les ouvriers qui frayaient avec les habitants, chantaient, jouaient de l'accordéon et de l'harmonica, le soir après leur journée.
La ligne du tram construite, la cambuse qui n'avait plus d'utilité sera achetée par Tchanchè Tibau, François Thibaut, qui la remonta en bordure de la route de Namur (act. rue de l'S) et dans laquelle on le trouva mort, assassiné.
De Châtelet – Place Saint Roch, la ligne avait des arrêts pour laisser monter et descendre les usagers. En remontant vers Presles, le tram à vapeur s'arrêtait en face de la Place Pirmez (act. Place Franco-Belge) ; à Bajôle, rue de la Justice ; al crèsse, chemin des Lorrains ; arrêt facultatif derrière la fosse de Carnelle ; à Carnelle ; à la Drève ; arrêt facultatif rue Al Croix ; au fond des Binches ; à la carrière de la Falige ; en face de la maison Cerfaux ; al boulwaere.
La ligne qui était à voie unique fut doublée aux arrêts qui se faisaient à la rue de Namur ; derrière le charbonnage de Carnelle ; au fond des Binches pour le hameau ; au Garage près de la carrière de la Falige pour Presles-village ; en face de la maison Cerfaux ; al Boulwaere pour le Bas-Sart et Sart-Eustache.
Cette voie de garage permettait de procéder à des chargements et déchargements de marchandises. À l'arrivée du charbon, des engrais, des matériaux, etc., au départ des betteraves sucrières, du foin, de la paille, du bois, et d'autres marchandises, voire même des bestiaux.
Le dépôt des petits colis se faisait aux cabarets ; Migeot, au fond des Binches, pour le hameau ; chez Sylvère près de la Falige pour Presles et chez J-B. Cerfaux pour le hameau Bas Sart et Sart-Eustache.
La marchandise était transportée au moyen de wagons ouverts de cinq tonnes. Des wagons fermés étaient réservés pour le transport des animaux, chevaux, vaches, veaux, moutons, que les fermiers-cultivateurs expédiaient au point d'arrêt de derrière la fosse de Carnelle, du fond des Binches, du Garage près de la Falige et, du lieu-dit al Boulwaere où il y avait une bascule.
Les destinataires venaient chercher les animaux qu'ils avaient achetés.
Sur la fin de l'exploitation, le prix du billet simple coûtait du terminus de Châtelet Saint Roch à la Drève 0,75 F ; au hameau des Binches 1F ; à Presles-village 1F 25.
Pendant la guerre 1914-1918, le tram à vapeur circula très peu.
Un service de diligence à traction chevaline fut mis en service de Châtelet-Saint Roch à Fosses.
Ce moyen de transport, mis en œuvre par Raoul Demierge de Châtelet, était constitué par une grande charrette plate à quatre roues, du genre char à banc, bâchée quand c'était nécessaire (pluie, soleil, vent), tirée par deux chevaux.
Ce service de fortune rendit de grands services.
Des habitants des villages de la région fossoise venaient, avec des grands paniers remplis de légumes, de fruits, de beurre, de fromage, d'œufs, etc., pour les vendre au marché de Châtelet.
Sous l'occupation allemande, les citadins étaient heureux de trouver ces victuailles, car les denrées alimentaires étaient chères et rares.
Les villageois s'en retournaient leurs paniers remplis des marchandises qu'ils avaient pu acheter dans les magasins de la ville.
Tous les jours, cette diligence improvisée faisait deux voyages aller-retour, Châtelet-Fosses.
La guerre terminée, le tram reprit ses activités ; quatre voyages aller-retour se faisaient pendant la journée ; un voyage supplémentaire était prévu le soir des dimanches et des jours fériés.
Cette situation dura jusqu’en 1935, mais la prolifération des moyens tels que vélos, motos, autos, amena la diminution du nombre des voyageurs.
La ligne vicinale ne fut plus rentable et la société exploitante supprima le service voyageurs. Celui des marchandises fonctionnera encore quelques années.
Dès 1936, le tram à vapeur fut remplacé par un service d'autobus.
La Nationale prolongea la ligne jusqu'à Châtelineau Gare et Namur. Il en est toujours ainsi.
Dans sa traversée de Presles, le parcours de l'autobus se fait sur la Nationale n° 22, délaissant le hameau des Binches.
Actuellement, une seconde ligne des TEC dessert le hameau des Binches et la Cité Solaire.
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1 Publié en 1989 in Us et Coutumes I.
2 Arch. Cle. Ps.