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L'agriculture à Presles

L'agriculture à Presles (1987)


 

Vues et agrandissements du château de Presle et des bâtiments de la « Grande Cense du Château » (a)

Vues et agrandissements du château de Presles et des bâtiments de la « Grande Cense du Château » (b)

Vues et agrandissements du château de Presles et des bâtiments de la « Grande Cense du Château » (c)

AVANT-PROPOS

L’agriculture est l’art de cultiver la terre, comme l’élevage est l’art d’élever des animaux domes­tiques.

L’agriculture considérée comme un art remonte à la plus haute antiquité.

À l’origine, le travail de la terre, la domestication des animaux, assureront la vie de l’homme et de sa famille.

Au cours des ans et des siècles, l’agriculteur comme l’éleveur connaîtront des techniques nouvelles, des procédés nouveaux, qui ne sont pas encore prêts à s’arrêter.




Cliché : DOC104

Cliché : DOC105

UNE FONDATION DE L’ABBAYE D’OIGNIES À PRESLES EN L’AN 1233

 

C’est la première fois qu’une grande exploitation agricole va être réalisée au village, mais plus particulièrement sur le territoire de Roselies, qui restera une dépendance de Presles jusqu’en l’année 1878.

Dès son origine, l’abbaye d’Oignies à Aiseau, fut autorisée par le Chapître cathédral de Liège à accepter trois manses 1 de terre à Roselies, relevant de ce même chapitre.

 

  • Extrait du document. Cartulaire d’Oignies, des. ASAN. 33 :

(…) trois manses de terre provenant de notre église, à savoir : la manse de jean cornut ; celle du père du frère jean de roselies, et celle de lambert de ce même endroit de roselies, qui avaient été données en aumône à cette église, à condition qu’elle ne pourrait acquérir rien d’autre dans la cour de presle, si ce n’est avec l’assentiment de notre église



Au XIIIe siècle, les chanoines de l’église de Saint Lambert, de Liège, sont toujours seigneurs-propriétaires à Presles.

En 1202, avec une dame de Presles, nommée Marguerite, ils partagent les bois et les prés qui leur sont propres à Presles-Roselies 2.

Ce qui fait qu’à sa fondation, l’abbaye d’Oignies possédait douze hectares de terre cultivable.

Au cours des siècles, les conditions de vie changèrent, le Prieuré reçut des dons de toutes parts, donations, legs, héritages, achats ou autrement, si bien que le domaine prit de l’extension et de l’importance. Des terres de petite, moyenne et grande surface étaient parfois bien éloignées de l’abbaye 3.

Les moines agrandirent dans les mêmes proportions leur domaine agricole de Roselies, et, défrichant des parties de la forêt qui couvrait, à cette époque, le territoire qui deviendra Presles-Roselies.

Sachant qu’à son origine, l’exploitation agricole du Prieuré d’Oignies ne comptait que douze hectares, nous relevons au XVIIIe siècle, un peu avant la chute du régime seigneurial, le dénombre­ment de la grande cense de Roselies, qui appartenait toujours au Prieuré et qui était affermée.

Les trois manses primitives avaient considérablement augmenté.


Extrait :

(…) Roselies sous la juridiction de Presles - XVIIIe siècle.

(…) une cense consistante en grange, écuries, estables, bergeries, jardins et appendices avec mai­son, contenant un bonnier, douze verges et un huitième.

(…) un bonnier trois mesures et septante huit verges de bois.

(…) en prairies 21 bonniers trois mesures six verges.

(…) deux bonniers de terre, dont un en blan grain et l’autre en marsage.



Le tout est affermé au sieur Eusmé Dumont, au rendage de 337 florins.

En outre, le domaine agricole comptait sur le territoire de Roselies :

(…) quatre vingt cinq bonniers, une mesure et quinze verges de terre labourable, qui étaient affer­mées au même censier 4 pour un rendage annuel de la juste moitié, de toutes espèces de grains, rapportant comme s’ensuit :

Froment = 86 setiers valant 136 florins

Escourgeon = 118 setiers valant 117 florins

Seigle = 217 setiers valant 217 florins

Épeautre = 593 setiers valant 130 florins

Avoine = 346 setiers valant 181 florins

Rond-grains = 88 setiers valant 88 florins

 

Toute la récolte aurait donc rapporté la somme de 1030 florins, de laquelle il faut déduire les frais d’engrais et de restauration des bâtiments qui sont à la charge du Prieuré, soit une dépense de 272 florins 9 sols.

Sous la Révolution Française, la grande cense de Roselies fut confisquée et vendue comme « Bien National ».

Le ci-devant seigneur de Presles, Théodore de Lierneux, racheta la ferme qui parvint par héri­tage à la famille d’Oultremont.

Récapitulons :

À sa fondation, la cense avait 12 hectares de terre.

À la fin du régime seigneurial, le complexe agricole se comptait pour +/- 90 bonniers.

Le censier-locataire payait pour un fermage de 852 florins.

Le setier ou 24 pots (wallon : in stî) vaut 20 litres 715360.



Dans les documents concernant la Table des Communs Pauvres de Presles, le censier paye les rentes dues par les religieux d’Oignies, pour de l’argent emprunté aux dits Pauvres.

Lorsque les censes seigneuriales seront construites au XV-XVIe siècle, les censiers-locataires payeront de la même manière, en lieu et place des seigneurs de Presles, qui ont emprunté de l’argent aux Communs Pauvres dudit lieu.

On remarquera que le grain d’épeautre est pris en considération dans les transactions finan­cières. Le « spelte » comme il est appelé, resta une valeur en nature, acceptée partout comme la valeur argent représentée par le florin.

Il va sans dire que les valeurs argent fluctuent au cours des siècles.

Ceci étant dit, était valable sur le même pied pour les grandes censes seigneuriales qui seront construites dans le village.



QUELQUES CENSIERS


Au XVIe siècle, « le censier de Rossily paye LIV (54) quartes de spelte (épeautre) au nom des religieux d’Oignies » 5.

La quarte était une mesure valant le quart du setier, soit 7 litres 677344.

Sont censiers en 1614-1645 : Charles Ciplet

en 1673-1675 : Reunotte

en 1688 : Huber Lesquier 6

 

Au début du XIXe siècle, la famille Duvieusart, qui donna deux bourgmestres à la commune de Presles, tenait la cense de Roselies parvenue aux Comtes de la famille d’Oultremont.

Cette famille Duvieusart prospéra pendant trois quarts de siècle.

Selon le dénombrement de la population ordonné le 1er janvier 1830, la cense était dirigée par Léopold Duvieusart, 47 ans, né à Velaine, son épouse Éléonore Hanolet, 45 ans, née à Lièneux, ayant de leur mariage : Xavier, 18 ans, Gabriel, 14 ans, Louis, 10 ans, Mathilde, 12 ans, Julie, 4 ans, tous nés à Presles.

À cette époque, il y avait :

Mahy Jean, 60 ans, né à Farciennes, berger

 

 Barbier Jean-Baptiste, 60 ans

Quinaux Vincent, 40 ans, né à Sombreffe

Delvaux Prosper, 40 ans, né à Jodoigne

Denis Augustin, 18 ans, né à Pont-de-Loup

Tous quatre domestiques

En plus, deux servantes :

Brasseur Thérèse, 30 ans

Hublet Catherine, 32 ans

Lors des semailles, des récoltes, ou d’autres travaux importants dits saisonniers, tout le tra­vail se faisant à la main, il était fait appel à des gens demeurant au village.

 

LES DOMAINES AGRICOLES DU SEIGNEUR

 

Lorsqu’au XVe siècle, les seigneurs de Presles viendront habiter dans leur seigneurie, ils exploi­teront la plus grande surface des meilleures terres labourables et les bonnes prairies à pâturer.

Il fut un temps, au XV-XVIe siècle, où le domaine seigneurial était représenté par quatre grandes « censes » déjà dénommées et dont les dénominations sont encore d’actualité.

Il s’agissait de la grande cense du château ; de la cense de la Cahoterie, de la cense de Golias et de la cense de la Bouverie, dessus les Tiennes de la Belle-Motte (Aiseau-Le Roux).

Comme la  cense du Prieuré d’Oignies à Roselies, les grands complexes agricoles seigneu­riaux occuperont un personnel important, masculin et féminin, voire des enfants lors des travaux saisonniers.

*

Tous ces complexes agricoles, ensemble, s’étendirent sur une surface exploitable, tant en terre qu’en prairies, de quelque cinq cents hectares.

Pour mémoire, rappelons qu’avant la séparation du hameau de Roselies (1878), le plan indica­tif et primitif des propriétés attribuait à tout le territoire une superficie de 1065 Ha. 43 a. 20 ca., dont environ trois cents hectares étaient des terrains boisés.



LA CENSE DE LA BOUVERIE – DESSUS-LES -TIENNES

 

Ce domaine agricole qui appartenait aux seigneurs de Presles, de la maison d’Havrech, fut retiré en l’an 1556, pour assurer les convenances de mariage, d’une fille d’Adrien de Havrech avec Pierre d’Assignies, capitaine de Chimay 7.

  • Le toponyme « Bouverie » ou « Boverie » est assez répandu, nous le trouvons à Presles, à Châtelet, etc. Du latin bos, indiquerait une étable à bœufs.


LA GRANDE CENSE DU CHÂTEAU

Cliché DOC003


C’est celle qui est représentée sur la vue dessinée par Remacle Le Loup, et qui illustre l’article « Presles » dans l’ouvrage « Les Délices du Pays de Liège et de la comté de Namur » par Saumery.

Bâtie non loin de la maison seigneuriale, elle a été détruite au siècle dernier par un incendie. Il en resta seulement la grange ( li grègne ). La ferme n’ayant pas été reconstruite, la grange ser­vira longtemps pour l’engrangement des récoltes du château.

C’était là que Fonse dou Tchanetî (Jacquy) faisait l’élevage des poules pour les maîtres de céans.

La grange sera démolie en 1956 ; les matériaux (bois et moellons de pierre) seront vendus.

Jadis, cette ferme était exploitée par un « Trècinsî », c’est-à-dire un fermier qui travaillait les terres et faisait l’élevage au profit du propriétaire, moyennant certains avantages ou une rétribution.

En 1686, Lambert Hublet était fermier de Monsieur de Lierneux, seigneur et baron de Presles.

La grande cense du château, comme il était coutumier de l’appeler, prospéra plus d’un siècle sous la régie de la famille Hublet, dont un des censiers fut mayeur à la Cour de Justice en 1782.

Plus tard, la cense parviendra à François Delalou, qui avait épousé Marie-Claire Hublet 8.

Les terrains de culture s’étendaient sur cette vaste surface qui a été appelée « Campagne du Château ».

À cette époque, la grande cense n’était pas encore enclose dans le parc ; la muraille ser­vant d’enceinte sera construite vers 1860.

La grande cense du château, comme les autres censes, parviendra en héritage au comte Émile d’Oultremont, qui avait épousé Marie-Charlotte, dame et baronne de Presles, fille héritière de Théodore-Xavier, baron de Lierneux de Presles et ci-devant dernier seigneur dudit lieu.



LA CENSE DE LA CAHOTERIE

Cliché DOC010

Sa dénomination provient du lieu-dit voisin « Le Cahot », terrain bouleversé, champ raboteux.

Nous trouvons comme tenanciers en 1776, Henry Wauthy ; en 1785, Pierre Grégoire.

Plus près de nous, nous citerons les locataires, Paul Mambour et le fils, Piret en 1914-1920 ; Ponsart en 1949 : Émile Decoster en 1959 ; les frères Albert et Cyriel Derycke jusqu’en 1982.

La cense est toujours en activité dans la campagne dont elle porte le nom, mais elle ne fait plus partie du Domaine de Presles, ayant été vendue avec des terres à Claude Pierard 9, de Châtelet, par le comte Eugène d’Oultremont.



LA CENSE DE GOLIAS



Sa dénomination pourrait se rapporter au nom propre « Goliath » qui ici signifierait « grand », d’où une grande cense à l’origine.

Cette cense resta longtemps sur son exploitation et elle sera vendue par le comte d’Oultremont.

Outre la maison des censiers, ce complexe comprenait des écuries, des étables, une berge­rie, des bâtiments pour rentrer les récoltes, fenils, etc., et une grande grange, qui sera ravagée par un incendie et qui ne sera pas reconstruite.

La surface cultivable, dite « les terres Tayenne » a été considérablement réduite par les lotisse­ments qui se sont créés après la Seconde Guerre mondiale, notamment celui de Belle-Vue.

Au XIXe siècle, nous trouvons comme censiers à Golias, Jean-Baptiste Vincent, qui vint au Conseil communal en 1826 et fut échevin de 1831 à 1846.

Son fils Charles le remplaça et succéda au mayorat de Xavier Duvieusart en 1861. Il fut bourg­mestre jusqu’en 1883 10.

Outre la famille Vincent, il y avait à la cense Jean-Baptiste Vincent, 49 ans, né à Besmerée ; son épouse, la censière Marie-Barbe Purnode, 44 ans, née à Presles ; leurs enfants, Charles-Édouard, 8 ans, Albertine-Jh, 22 ans, Marie-Thérèse, 18 ans, tous nés à Presles 11.

Joachim Michaux, 51 ans, né à Saint Denis, était berger ; Alexis Janot, 55 ans, était vacher, les frères Fosseur, François, 28 ans et Jean-J., 22 ans, nés à Maison, étaient domestiques 12.

Lors des travaux saisonniers, l’exploitation occupait de nombreuses personnes du village, tant hommes que femmes et même des enfants.

Nous trouvons encore comme censiers : les Van Eeckout, père et fils, jusqu’en 1919.

François Marchand, puis Hubert Waleffe, chef de la Résistance, en 1940-1945, nourrit et héber­gea dans sa ferme de nombreux réfractaires au travail et des personnalités politiques et mili­taires recherchées par les Allemands.

Finalement, la cense fut vendue à Julien Wilmet, marchand de chevaux. Ce sera alors qu’un incendie ravagea la grange ; le dernier censier décédé, les bâtiments seront plus ou moins abandon­nés à leur sort 13.

Après avoir fait connaître les grands domaines agricoles qui, depuis leur origine, régiront l’agriculture à Presles, et ne sont pas encore tous éteints, on est en droit de se demander comment les manants, les bourgeois, les surcéants se partageaient et profitaient de ce qu’il restait, le plus sou­vent la partie des terres les plus médiocres et le reste des prairies les moins bonnes.

Le 22 août 1378, le comte de Namur accorde aux habitants d’Eversquoy (Bas-Sart-sous-Presles) le droit de faire pâturer sur le territoire de Sart-Eustache.

C’est le plus ancien droit « d’entre-cours » que les habitants du hameau du Bas-Sart aient obtenu de Guillaume de Flandre, comte de Namur, et ce, par l’intervention du seigneur de Presles, Thierry de Haneffe, seigneur de Seraing-le-Château et de Presles.

Le droit d’entre-cours de pâturage, à cette époque où il était coutumier et d’usage d’aller faire pâturer ses bestiaux chez ses voisins, était parfois une source vitale pour la population, qui ne trouvait pas chez elle assez de nourriture pour ses bestiaux.

Ce droit d’entre-cours de pâturage était frappé du droit de réciprocité pour ceux de Sart-Eustache, et aussi d’une redevance due par chacun « chief de maison » et consistant à « un demy muid d’avaine, la mesure de Namur, bone, loyaule et paiable et bien comournée avocques deux pouilles et deux pains souffissans à paier et livrer bien et loyaulement à nostre sergant dou lieu qui est ou serat pour le temps toudis au iour saint Remy, et ce d’an en an ».

À notre connaissance, ce droit d’entre-cours de pâturage s’étendit sur les localités de Gougnies et de Biesme.

À l’origine, il favorisa les quatre ménages installés sur cette terre namuroise et durera jusqu’à la chute du régime féodal dont, à cette époque, le fief d’Evesquoy (Bas-Sart) comptait sept ménages.



DROITS ET USAGES DES PRAIRIES



Les plus anciennes chartes de Presles, des XIII-XIVe siècles, stipulent les droits et les usages des prairies, mais restent muettes concernant les terres cultivables.



Extrait :

« at ungne pièce de preit ens es masils derrière la maison delle vesture tenant environ de ung bonnier et demy ».

« le preit alle fallize et les preis du mont joindant alle tenure qui fut bribet, au present appartenant az remanans mathy le stordeur et tout selonc le batty delle pirée et revenant selonc le preit alle fallize jusque à liebrois ».

« ung preit en biaulmont tenant un bonij et les preis burnaux tous lesquels preits sont à woyen pour warder jusque alle st martin et de ce jour en avant estre commung pasturaiges jusque az mars reser­veis les preits burnaux qui sont courtils az ville et doient estre tenus clos alle request des manans come lieux de ville ».

« at ung preit en es masils qui est espargne depuis que les fours en sont ostez jusque alle st remij pour les chevaux, creisses et les vialz ».

« est espargne pareille entre le rieu du luetial et le rieu delle nowe depuis le ijardin piron et sont sus a mont jusque az fays et ravallant az minières ».

« est ungne telle espargne la couturelle et le pawillonpreit et ne doibt on poinct warder quand les terres sont à gissières reserveis les preits et pareillement preis et terres à l’olneau et les doibt on waeder jusque alle st simon et st andré et nij peult on mectre aultres bestes que pour mectre bas sij ce n’est pas necessitez et aussij ne peult on vendre bestres encraissies ens la dicte espargne sans le portez az manans sij hault que loij porte que sur l’amende de septz solz qui feroir al enconte d’aulcuns des poincts des surdicts ».





Commentaires

Selon la teneur des articles des chartes des XIII-XIVe siècle, il nous est déjà permis de dire que les Preslois d’alors avaient la jouissance de certaines prairies en respectant les conditions impo­sées par le seigneur et la Cour de Justice.

Les lieux-dits cités sont encore de nos jours d’actualité et seront une aide précieuse pour situer ces prés, banals, si nous pouvons déjà les spécifier ainsi.

De tout ce contexte concernant les prairies des XIII-XIVe siècle, nous devons retenir certaines choses pour ce qui est du mode d’exploitation et du pâturage.

En principe, le pâturage est banal sur les prairies du 1er novembre au 1er mars, s’il n’y a pas d’interdiction quelconque.

Les « prés burnaux », qui sont très anciens, sont « à fors et à wayen », ce qui veut dire que la prairie est réservée pour avoir du foin et du regain qui peut, si la saison est bonne et favorable, être fauché et fané encore deux fois après la coupe du foin.

De plus, les « prés burnaux » sont considérés comme des « courtils az ville », ce qui veut dire que, selon les règlements, les courtils doivent être clos, renfermés par une haie vive d’épines blanches ou noires, « dès s’pènes blankes ou nwaeres », ou par une clôture en bois, aux risques et périls du propriétaire.

Les « prés burnaux » devaient être gardés jusqu’à la fête de saint Martin (11 novembre) et deve­naient après cette date, commun pâturage jusqu’au 1er mars.

Le pré des « massils », enclos maintenant dans le parc, d’une contenance d’un bonnier et demi, était réservé pour faire du foin.

La fenaison terminée, le foin emporté, la prairie était épargnée pour recevoir au pâturage, les chevaux, les « creisses et vialz », les bestiaux à l’engraissement.

Au hameau du Bas-Sart-sous-Presles, étaient épargnées les prairies des lieux-dits « la Couturelle » et le « Pawillonpreit ».

Le pâturage était libre lorsque ces lieux-dits étaient « à gissière », en jachère, au repos.

Étaient alors réservés les prés et les terres du lieu-dit « Terre à l’ognia », qui devaient être épargnés jusqu’à la fête de saint Simon et de saint André.

En ces lieux, ne pouvaient être mis au pâturage que les bestiaux pour « mectre bas », c’est-à-dire les bêtes pour tuer.

Il était défendu de vendre les bestiaux engraissés sur la dite épargne, sans en porter la connais­sance aux habitants.

Une amende de sept sols serait appliquée à tous ceux qui contreviendraient à ce règlement.

Comme on peut s’en rendre compte, l’élevage des temps jadis était soumis à un règlement des prairies, et les éleveurs de bestiaux étaient tenus d’en respecter les conditions, pour que tout le monde en ait sa part.



QUELQUES CONSIDÉRATIONS



Les quatre grosses exploitations agricoles occupaient la plus grande partie des meilleures terres cultivables et les prairies du village.

Les petits cultivateurs devaient se partager ce qui restait, médiocre en quantité et en qualité.

Aussi, les cultivateurs de Presles se rendaient-ils aux « pasèyes » passées, en wallon « vinte aux enchères » des « fors et wayen », foins et regains, ou louaient des terres et des prairies dans les communes limitrophes.

Cette coutume était surtout pratiquée pour les fourrages nécessaires à leurs bestiaux pendant la saison d’hiver.

Nous citerons deux exemples ; il y en eut beaucoup d’autres.

En 1734, à la passée des prairies appartenant au Chapître de Saint Lambert, situées à Châtelet, des cultivateurs de notre village, dont : Gabriel Bourlet, Nicolas Marchand, Jaque Kinart, Albert Pierard, Pier Piret, Nicola Gille et Gille Baudelet avec Nicola Rollan, Honoré Grenier, Jaque Borlet, Nicola Pouleur, s’en vinrent acheter chacun plus ou moins un bonnier 14.

À Sart-Eustache, pendant les années de 1762 à 1769, des cultivateurs de Presles payèrent l’imposition pour des terres et des prairies qu’ils tenaient en location dans cette commune 15.

Jean-Baptiste Wauthier paie pour 33 verges et demi de prairie à deux herbes (foin et regain), 236 verges ¾ de prairie à une herbe (foin) et un bonnier de terre.

Remy Wauthier paya pour un bonnier 20 verges de prairie à deux herbes, 201 verges à une herbe et un bonnier 74 verges ¾ de terre.

Jacque Pector paye pour 37 verges ¾ à deux herbes et 47 verges à une herbe.

Pierre Piret paye pour 108 verges à une herbe et un bonnier 251 verges de terre.

Jean-Joseph Wauthier paye pour un bonnier 17 verges ¼ de terre.

Ces faits sont assez concluants pour dire que l’agriculture était une ressource vitale des petites populations de l’ancien régime 16.



CULTIVATEURS DU XIXe SIÈCLE



Les exploitations agricoles du XIXe siècle ne reflètent pas l’importance des grands domaines de jadis.

Ce sont des exploitants qui travaillent moins de cinq à trente hectares ; terres et prairies comprises, et il n’y a aucun spécialiste.

Les fermes ne sont en général que des bâtiments ruraux agencés pour rentrer les récoltes et héberger quelques bestiaux.

Elles sont installées un peu partout dans le village.

Vers la moitié du siècle (1850), un recensement 17 renseigne les propriétaires exerçant la profession de cultivateur.

Certains possèdent en biens propres une plus ou moins grande surface de terres et de prai­ries ; par contre, pour d’autres, la quantité renseignée est minime, parfois nulle.

Il y a aussi des propriétaires qui possèdent des terres et des prairies, mais qui ne les exploi­tent pas eux-mêmes, les mettant en location à des cultivateurs établis.

On notera que des propriétaires étrangers possèdent des terres ou des prairies assises sur le territoire, cultivant eux-mêmes leurs biens ou les mettant en location.



*



Nous faisons suivre une liste de tous ceux qui sont renseignés comme propriétaires-cultiva­teurs à cette époque de l’an 1850, ainsi que la contenance de leur exploitation.

Les lettres A, B et C indiquent la section du village où leurs biens sont situés, soit :

A = hameau de Roselies

B = le centre du village proprement dit

C = les hameaux des Binches et Bas-Sart-sous-Presles.



En regard du nom des propriétaires-cultivateurs est indiquée la contenance, en hectares, ares et centiares.

S’ensuit donc :



NOM - PRENOM

CONTENANCE

SECTION

Blampain Pierre-Alexis

0.06.90

C

Bourlet Sylvain

2.50.00

C

Charlier Félicien

0.25.50

C

Debande Jean-Baptiste

0.43.60

B

Dehoux Jean-Baptiste

0.20.70

A

Delalou Jean-Baptiste

11.23.10

A

Deventer François

0.44.10

C

Dugnolle Ursmer

06.95.10

A

Gille Jean-Baptiste

0.24.60

B

Gille Philippe

0.18.00

B-C

Gille-Blampain Pierre

1.05.30

B-C

Gilles Jean-Baptiste

2.84.00

B-C

Grenier Jean-Baptiste

6.25.60

B-C

Grosjean François

0.36.70

B

Jacquet Gaspard

3.00.80

C

Jacquet Jean-Baptiste

0.03.70

B

Lebon François

0.26.10

B

Loriaux Joseph

06.74.70

A

Martin Augustin

1.85.80

C-B

Martin Henri

1.77.00

C

Mathieux Théodore

0.62.30

B

Morau Paul

0.08.00

B

Moreau Pierre

1.50.16

B

Pochet Henri

01.87.30

A

Pouleur Jean

2.66.30

C

Pouleur-Ridel Jean-R.

4.75.10

C

Richir Jean

07 .50.

A

Robeau François

0.43.50

A

Servais Augustin

1.90.80

C

Simon Antoine

0.74.10

C

Tilmant Pierre

3.80.90

C

Wauthier Pierre

5.69.30

B

Wauthier Vincent

1.54.30

B-C



PROPRIÉTAIRES - CULTIVATEURS DEMEURANT À AISEAU :

Dehoux Jean-Baptiste

0.50.60

A

Dugnolle Ursmer

0.99.00

A

Moreau François

0.54.70

A

Richir Jean

1.97.05

A



PROPRIÉTAIRES – CULTIVATEURS DEMEURANT À SART - EUSTACHE :

Duchêne Eustache

0.15.10

C

Duchêne Jean

0.14.80

C

Duchêne Joseph

1.21.20

C

Herbecq Jules

4.10.10

C



PROPRIÉTAIRE – CULTIVATEUR DEMEURANT À CHÂTELET :

Deventer Alexis

0.48.50

C



PROPRIÉTAIRES– CULTIVATEUR DEMEURANT À GOUGNIES :

Demaret Nicolas

0.43.60

C



PROPRIÉTAIRE – CULTIVATEUR DEMEURANT À PONT-DE-LOUP :

Quirini Joseph

1.44.70

B



Selon ce recensement officiel, la nomenclature des cultivateurs donne une physionomie de ce que pouvait être l’exploitation agricole, à la moitié du XIXe siècle.

Le secrétaire communal a attribué la profession de « cultivateur » à tous ceux qui possé­daient une terre ou une prairie.

Il nous paraît, et nous en avons été témoin, que des Preslois, qualifiés « cultivateurs », ne possédaient pas assez de terre pour en vivre avec leur famille, et devaient trouver un travail d’appoint, c’est-à-dire aller travailler dans une grande ferme, à la carrière, à la forge ou à la taillande­rie, voire même au charbonnage, le métier de « cultivateur » se faisant après leur journée, avec l’aide de leur épouse et de leurs enfants.

Selon le recensement, le nombre de « soi-disant » cultivateurs est minime à Roselies, la grande surface des terres cultivables et les prairies étant tenues par la grande cense.

Par contre, le nombre est plus important dans les hameaux qu’au Centre (Chef-lieu), où les fermes du château détiennent la plus grande partie des terres.

Les défrichements pour avoir des terres de culture sont relevés selon les documents, au cours de toutes les époques, depuis les temps primitifs jusqu’à nos jours, puisque nous en seront encore témoins : le bois du Fîte a été défriché en 1940, pour être livré à la culture.

À Presles, les terres labourables sont de petites, moyennes et grandes surfaces.

Nous ne serons pas à côté de la vérité en disant que les grandes surfaces cultivées font partie des grands complexes, « censes » datant, sans l’ombre d’un doute, du XVIe siècle.

Dans leur ampleur, les terres se situent dans les campagnes de Roselies, de la Campagne du Château, de la Campagne de la Cahoterie et des « Terres Tayenne ». Cette dernière a été lotie à partir de 1965 sous la domination « lotissement de Belle-Vue »

À remarquer que, dans ces quatre endroits, il y avait une grande « cense ».

En gros, nous relevons que les châtelains de Presles, grands propriétaires terriens vivant à la moitié du XIXe siècle, possédaient en terres cultivables :

Dans la section A, dite de Roselies71 Ha. 51 a. 60 ca.

Dans la section B, dite du Chef-lieu35 Ha. 59 a. 40 ca.

Dans la section C, dite de Golias71 Ha. 64 a. 15 ca. 18



Comme pour les terres, ce sont de bonnes prairies pouvant être pâturées presque toute l’année.

Mais le censier prévoyant en réservera pour faucher l’herbe pour avoir du « four » (foin)  et du « wayen » (regain), seconde et même troisième coupe de l’herbe, lorsque la saison est bonne et favorable à la repousse de l’ herbe.

Les châtelains de Presles étaient propriétaires de prairies :

Dans la section A, dite de Roselies46 Ha. 25 a. 60 ca.

Dans la section B, dite le Chef-lieu263 Ha. 14 a. 00 ca.

Dans la section C, dite de Golias71 Ha. 64 a. 17 ca. 19



Simple remarque qui a son importance : le secrétaire communal écrivait, pour donner une réponse aux autorités supérieures que les « cinsîs » et autres cultivateurs ne font pas ou très peu d’élevage de bestiaux et que les chevaux que l’armée demande ne sont que des chevaux de labour, au nombre de 46. C’était en l’an 1830 20.

 

Les terres labourables étaient semées de céréales avant l’hiver et, par après, par les mar­sages.

Les « censiers » du temps passé faisaient des cultures de betteraves fourragères pour nourrir pendant l’hiver tous leurs bestiaux.

De nos jours, la culture de maïs fourrager est à la mode. À chaque époque, ses innovations…


LE LONG PRÉ


Pendant tout le temps que dura le régime seigneurial, le « Long Pré », qui s’étend en bordure de la Biesme, situé sous le lieu-dit « Les Vieux-Sarts », fut frappé d’une « corvée ».

Au reçu d’une convocation, les appelés devaient se rendre sur le pré pour faner l’herbe et rentrer le foin au château. Le seigneur était tenu de livrer sur le pré, un pain valant deux gros et une pièce de fromage, à chacun des travailleurs 21.


USAGES ET COUTUMES

Nous avons jusqu’à présent parlé des grands « cinsîs » (censiers) et des soi-disant cultiva­teurs travaillant au XIXe siècle.

Mais les bonnes gens du temps passé, où trouvaient-ils la nourriture pour leurs petits ani­maux ?

Car jadis, et nous en avons encore été témoin, nombre de Preslois élevaient tous les ans, un ou deux porcs, qui une chèvre ou un mouton, d’autres des lapins et des poules, etc.…

Il fallait trouver de la nourriture pour les animaux de ce petit élevage.

Aussi voyons-nous, en ce temps-là, les bonnes gens aller « cruauter » dans les cultures des fermiers, qui toléraient cet usage, en se disant que toutes les mauvaises herbes, pissenlits, plantains, laitigeons, séneçons, etc., plantes sauvages bonnes pour les lapins, seraient autant de mauvaises herbes enlevées et leur terre nettoyée gratuitement.

Jadis, il n’était pas rare de voir le long des chemins et des routes, des chèvres et des mou­tons, pâturant sur les « hurées » (talus).

Comme on disait en ce temps-là, ces animaux étaient « mis au piquet », c’est-à-dire que, de leur collier, une longe (corde ou chaîne en fer) les retenait à un piquet en fer planté en terre.

La surface que la chèvre ou le mouton pouvait brouter variait selon la longueur de la chaîne.

Par beau temps d’un jour d’été, il n’était pas rare de voir une chèvre ou un mouton dormant au milieu du chemin. C’était tellement coutumier que les charretiers remettaient l’animal dans le fossé, pour avoir le passage libre.

Heureusement qu’à cette époque, la circulation sur les chemins et sur les routes était beau­coup moins importante que celle que nous connaissons actuellement.


AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

Selon le registre de la population, il appert qu’une trentaine de cultivateurs travaillent pour leur compte, des terres leur appartenant ou celles prises en location.

Depuis, le nombre s’est considérablement réduit.

L’agriculture continue de perdre des terres au profit du résidentiel.


EN 1965

On relevait comme cultivateurs :

  • Au hameau des Binches :

Anciaux Firmin, Cocher Edgard, Gilles André (père), Lejour Henri, Mourmaux Marcel, Mourmaux Alexis (père), Wyngaert Maurice.

 

  • Au hameau du Bas-Sart :

Kesteloot Jacques, Marchal Nicolas.

 

  • Section du village :

Glise Georges, Mambour Marcel (père), Wilmet Julien, à la cense de Golias, et Derycke Albert et Cyriel à la cense de la Cahoterie.

Cliché IMM004

EN 1980



Sont cultivateurs :

  • Au hameau des Binches :

Gilles André (fils), Mourmaux Franz (fils), Mourmaux Marcel, Wyngaert Maurice.

 

  • Section du village :

Mambour Marcel (fils), Namur Jules.

 

  • À la Cahoterie :

Les frères Albert et Cyriel Derycke.



EN 1986



  • Au hameau des Binches :

Gilles André, Mourmaux Franz, Mourmaux Marcel, Wyngaert Maurice.

 

  • Section du village :

Marcel Mambour, installé dans l’ancien moulin, situé dans le parc de Presles.

 

  • À la Cahoterie, qui a été vendue par le comte Eugène d’Oultremont, se sont installés les frères Pierard, fils de Jean Pierard, exploitant agricole à Châtelet.

À la rue de Fosses, le fils de Georges Glise a repris les installations de ses parents.



SUR LA TECHNIQUE D’EXPLOITATION DES TERRES



Jadis, l’exploitation agricole était soumise à certaines observations. Les baux en font foi.

Ils recommandaient la rotation des cultures, autrement dit, l’assolement triennal était obliga­toire et la jachère devait être respectée 22.

Les terres devaient être bien labourées, bien fumées, amendées s’il y avait lieu par l’apport de toutes sortes de matières végétales ou de la chaux.

Les fossés devaient être relevés et les rayons de séparation et d’écoulement des eaux convena­blement tracés.

Les mauvaises herbes telles que orties, chiendents, ivraies, chardons, etc., devaient être arrachées et brûlées 23.

Quant aux prairies, elles étaient ouvertes ou renfermées par des haies vives, bien menées et taillées ; 24 les fossés relevés comme pour les terres. Les bouses et les muternes 25 devaient être répandues.

La vaine pâture s’exerçait à une date déterminée, selon les usages de la localité, générale­ment du 1er novembre au 1er mars, toutes les prairies devenaient banales 26.

En 1830, dans son rapport, le secrétaire communal stipulait que chaque terre ne donnait qu’une dépouille dans l’année.

On semait l’épeautre la première année, l’avoine la seconde année et la troisième année, la terre restait au repos.

On semait aussi le seigle (li swale), l’orge, et on cultivait aussi la pomme de terre et le trèfle.

Les fourrages n’étaient pas abondants, il en manque pour la consommation.

Les engrais consistaient en fumier de basse-cour.

Pour le travail du sol, on employait des charrues à pied, des herses et des rouleaux en bois ou en pierre.

La journée d’un ouvrier était de 65 centimes, celle d’une femme, 35 centimes, celle d’un enfant, 23 centimes.

Le prix du labourage d’un hectare de terre coûtait de 20 à 22 florins.

L’élevage se limitait aux vaches, cochons, moutons et poules.

On trouvait à cette date de 1830, quarante-huit chevaux, tous employés aux travaux d’agriculture, ils n’étaient propres qu’au service de l’artillerie 27.

L’exploitation agricole actuelle est bien différente.

La jachère et la vaine pâture ne sont plus pratiquées. Le cheval n’est plus utilisé. Le travail à la main d’antan est remplacé par des machines agricoles, d’où perte d’emploi et chômage dans ce domaine.

Maintenant, la surface totale des exploitations est formée de cultures ordinaires ou dérobées.

Pratiquant toujours les semailles d’hiver et les marsages, les cultivateurs adoptent des cultures nouvelles : maïs, chou fourrager, etc., qui remplacent avantageusement les cultures de bette­raves fourragères.

Et que dire des graines qui, soigneusement sélectionnées, procurent de meilleurs rende­ments que naguère.

Pour la fertilisation du sol, le cultivateur dispose non seulement du fumier de ferme, mais aussi de toutes sortes d’engrais chimiques, contrôlés, dosés, adaptables à sa terre et à ses cultures.

De plus, la phytopharmacie procure au cultivateur une foule de produits permettant de lutter contre les maladies et les parasites de ses plantes ou de son élevage et de pouvoir maintenir ses terres saines, exemptes de mauvaises herbes, et ses animaux en bonne santé.

Mais, comme toute médaille a son avers et son revers, l’emploi de ces ingrédients, s’ils sont efficaces pour les cultures, sont parfois néfastes pour la flore et la faune, au point qu’on doit prendre des mesures pour en assurer la protection et la survivance des espèces.

La prairie est maintenant soumise à un pâturage intensif, ce qui évite le gaspillage, les bes­tiaux en pâture étant obligés de manger toute l’herbe du pré avant de passer sur une autre parcelle.

Le cultivateur d’aujourd’hui récolte encore du « four » (foin), mais l’ensilage de fourrages et de maïs s’est généralisé partout.

À l’heure actuelle, nos cultivateurs ont à leur disposition des engins motorisés, qui actionnent des outils aratoires mécanisés.

Le tracteur remplace le cheval et les machines réduisent de beaucoup la main-d’œuvre qui, anciennement, était employée dans les travaux agricoles.

Le labourage d’un hectare de terre coûte +/- 2000 Frs, selon la qualité du sol.

La récolte du froment est évaluée entre trente-cinq et quarante sacs (3500 à 4000 Kgs à l’hectare).

Le cultivateur d’aujourd’hui, qui veut travailler seul, doit faire un important investissement, lorsqu’il sera question de se procurer toutes les machines nécessaires pour le travail de ses terres, de son élevage et de ses récoltes.

Certaines de ces machines agricoles, très coûteuses, ne serviront qu’une fois tous les ans.

Aussi, il serait préférable de voir les fermiers-cultivateurs du village s’associer pour acheter ces machines et travailler tous ensemble, la main dans la main ou alors, s’il n’y a pas d’entente pos­sible, avoir recours à un entrepreneur agricole.

Toutefois, si beaucoup de choses ont changé, le cultivateur d’aujourd’hui comme celui d‘antan, reste tributaire de la nature, cette grande dame qui a ses bons et ses mauvais jours et que l’homme, malgré toute sa science, n’a pu encore maîtriser.



EXPLOITATION DES TERRES SELON LES CLAUSES D’UN BAIL, DE LA CENSE DE GOLIAS D’AVANT LE XVIIIe SIÈCLE



Nous ne reviendrons plus ici sur les conditions déjà dites ci-avant, et qui sont stipulées généra­lement dans tous les baux concernant les « censes ».

Deux choses nous ont particulièrement frappé et retenu notre attention et notre curiosité.



Extrait :

« labourer de quattre royes et de deux pour le moins »



Cela demande une explication : une terre à la roye mesurait dans notre région trois bonniers. Si nous résolvons le problème, cela fait : 4 royes x 3 bonniers = 12 bonniers

et

de deux royes x 3 bonniers = 6 bonniers

Au total, cela fait donc 18 bonniers.

Or, jadis, le labour s’étendait sur une superficie allant de 12 + 6 bonniers destinés à la culture selon l’assolement triennal qui était d’usage et coutumier.

En principe, la répartition se faisait de un tiers de blancs grains, un tiers de marsage et d’un dernier tiers en jachère morte (la terre reste une année au repos).

Cependant, il arriva que la jachère ne fut plus acceptée par les « cinsîs », qui semèrent des trèfles et des fourrages.

Chaque tiers représentait une sole de l’ensemble des terres de l’exploitation.

La même année, les mêmes soles de toutes les « censes » avaient la même destination.

Ceci est facile à comprendre. Dès lors, il fallait que toutes les soles à grains et à marsages, ainsi que toutes les soles en jachère, soient contigues.

La teneur du bail stipulait aussi :

« blans grains de quattre soles et les marsages de deux ».



Ici, on spécifie la nature des céréales, ainsi que l’étendue, leurs assignées.

Ouvrons une parenthèse en disant : que, selon les lieux et les époques, après l’an 1700, la jachère vraie ou herbe folle s’enrichit de légumineuses et de fourrages.

Il est alors possible que le fermier pouvait avoir un important cheptel qui exigeait beaucoup d’herbage.

Dans ce cas, une seule des trois soles se réservait un tiers des terres à labour pour les blancs grains, les deux autres soles se partageaient par moitié.

Résumons :

la somme 4 + 2 royes = 6 royes = 18 bonniers

se subdivisant en 3 soles, soit 6 + 6 + 6 = 18 bonniers

dont chacune aurait 1/3 des revêtements du sol

 

Mais dans le cas qui nous occupe, il y aurait eu une sole de grains blancs et deux demi soles de marsages et de fourrages, la jachère n’étant plus pratiquée.

Cet assolement triennal permettait à la terre de se reposer pendant un an.

De plus, toutes les céréales d’hiver ou de marsage et les terres en jachère se situaient toutes ensemble, si on veut, sur un même canton, ce qui, au temps passé, facilitait les travaux, mais aussi la surveillance des récoltes.

Car maintenant, la campagne est tellement morcelée qu’on se trouve par-devant un damier, dont les cases sont occupées par les cultures les plus diverses.

Il serait bon de songer à faire une opération consistant à mettre fin au morcellement excessif de la propriété rurale par un système d’échange obligatoire de parcelles, autrement dit, de procéder à un remembrement pur et simple.

Les cultivateurs d’aujourd’hui tirent de leurs terrains tout ce qu’ils peuvent récolter.



RÈGLEMENT POUR LES MOISSONNEURS ET LES GLANEURS



Pour éviter des désordres et des inconvénients pendant la saison d’été, un règlement était en vigueur dès le début de l’an 1622. Il stipulait les usages et la coutume, dont certains ne sont pas encore perdus.



Articles



  1. que personne ne pourra entrer en campagne « emblavées » de grains pour y moissonner, sinon qu’après que les grains soient emportés ou mis en moye, tasseaux ou dizeaux.

 

  1. ne pourront aussi entrer en dites campagnes, sinon après le soleil levé et en devrait sortir avant le soleil couché.

 

  1. les censiers ou propriétaires n’y pourront envoyer leurs bestiaulx, sinon un jour après que les moissonneurs y auront essteis.

 

  1. les femmes, enfants et domestiques, des ouvriers d’aoust ne pourront moissonner parmy les « javaux » ou aultrement que les aultres.

 

  1. les moissonneurs ne pourront approcher des « moies » ou « dizeaux » soit en moissonnant ou pour s’y reposer, y mettre leurs hardes.

 

  1. il est défendu à tous moissonneurs de passer au travers des campagnes emblavées de grains, ni parmi les « andons » et javaux, mais advenoient qu’ils veuillent aller d’une cam­pagne à l’aultre, ils doijent aller par les chemins.

 

  1. il est défendu à toutes personnes d’entrer es jardins des censiers et aultres du village, ne soit qu’il ait chemin ou piessente, au quel cas, il devra suivre la voie ou piessente sans s’y arres­ter, cueillir fructs ou faire dommaige.



Et cela à peine que tous ceulz qui contreviendroient à ce que dessus escheront pour la première fois une amende de seize sols, et la seconde le double à répartir un tiers à l’officier, un aultre tiers au dénon­ciateur et le troisième au sergent qui fera l’exécution.

Outre que, la moisson que les moissonneurs y auront faict, le dit jour sera restituée aux propriétaires ou censiers.

Laquelle pourra estre saisie par les ouvriers d’aoust.



*



Lexicologie

  • emblavée = terre semée de céréales qui sont encore sur pied

  • moisson-moissonneurs = doit se comprendre pour glaner, glaneur

  • moies = correspondant = meules de paille, de foin

  • taseaux = en tas, céréales qui, autrefois, n’étaient pas liées

  • dizeaux = de dix, céréales liées en bottes et rassemblées par groupe de huit, dix, douze bottes « les monts »

  • hardes  = habits qu’on porte

  • ouvriers d’aoust = le personnel occupé à la moisson

  • javeau = javelle, se disait pour les brassées de céréales prêtes à être liées. Ce travail se faisait par des femmes, « lès r’coudeûses » qui, à l’aide d’une grande faucille, rassemblaient les céréales des andains, brassés, pour les lier.

  • andons = céréales que le faucheur abat d’un coup de sa faux et qui sont couchées en lignes parallèles

  • jardin = se comprenait jadis pour un terrain cultivé, soit garni de semailles, ou par un pré, sou­vent clos par une haie vive d’épines blanches ou noires.





RÈGLEMENT DE POLICE - COMMUNE DE PRESLES



Le Conseil Communal de Presles, District de Charleroy, Province de Hainaut.

Vu l’arrêté du 23 juillet 1818, n° 132, et la loi du 6 mars 1818, vu l’article 155 de la loi fonda­mentale, l’article du règlement n° 26 pour l’administration pour le plat pays de cette province approuve …

Voulant faire jouir ses administrés des avantages d’une bonne partie a pris et arrêté à ce sujet l’ordonnance suivante …

En adjonction, sont prévues les dispositions sur le glanage et le pacage.

Seront punis d’un franc jusqu’à cinq francs inclusivement et facultativement d’un emprisonne­ment de trois jours au plus.

Ceux qui sans autres circonstances auront glané dans les champs non encore dépouillés et vidés de leurs récoltes ou avant le lever du jour et après le coucher du soleil.

Il est défendu de glaner avant que la dépouille d’une terre ne soit entièrement transportée ainsi que de cruauter dans les denrées sans la permission du propriétaire.

Tout propriétaire est libre d’avoir chez lui telle quantité de telles espèces de troupeaux qu’il croit utile à la culture de ses terres. Dans aucun cas et dans aucun temps, le droit de parcours ni celui de vaîne-pâture ne pourront s’exercer sur les parties des prairies artificielles ou couvertes de lin rouis­son de quelque production que ce soit qu’après la récolte.

Les propriétaires exploitant des terres sur les paroisses sujettes à parcours ou à la vaîne-pâture, et dans lesquelles ils ne seraient pas domiciliés, auront le droit de faire garder par troupeaux séparés ou de mettre dans le troupeau commun une quantité de bétail proportionnée à l’étendue de leur exploitation. Cette quantité sera fixée dans chaque paroisse à tant de bêtes par arpent d’après les règlements d’usages locaux et à défaut de documents positifs à cet égard, il sera pourvu par le Conseil Général de la Commune.

Les pâtres et les bergers ne pourront mener leurs troupeaux d’aucunes espèces dans les champs moissonnés et ouverts que deux jours après la récolte enlevée.

Les règlements et dispositions pénales qui précèdent seront imprimées, placardées dans les lieux les plus fréquentés et les plus apparents de la commune, pour que nul n’en ignore.

Chaque cabaretier sera tenu d’en avoir un constamment affiché dans son cabaret.

Fait en séance à Presles, le 8 septembre 1825,

 

(s) J B Goemans. J. Rosier. Delalou. Henin

Duvieusart, bourgmestre. J.J. Baudelet, secrétaire.



*



Les dispositions des ordonnances locales antérieures à celles-ci continueront d’être obser­vées en tout ce qui n’est pas réglé par la présente.

En addition sont les contraventions et peines non prévues par le règlement, parce qu’elles sont déterminées par des dispositions pénales en vigueur.

Seront punis d’amende depuis un franc jusqu’à quinze francs inclusivement de confiscation et d’emprisonnement de cinq jours au plus :

  • ceux qui auront négligé d’entretenir, réparer les chemins.

  • ceux qui ont passé ou seront entrés sur les terrains d’autrui, s’il est préparé, ensemencé, chargé de grains ou d’autres fruits.

  • ceux qui ont passé sur le terrain d’autrui avec leurs bestiaux.

  • ceux qui, sans autres circonstances aggravantes, auront cueilli sur les lieux mêmes les fruits appar­tenant à autrui.

  • ceux qui auront fait ou laissé courir les chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture dans l’intérieur d’un lieu habité.

  • ceux qui auront jeté des pierres ou autres corps durs, ou immondices, contre les maisons, édi­fices, jardins, etc., ou sur quelqu’un.

  • ceux qui auront laissé divaguer des fous furieux ou d’autres animaux malfaisants.

  • ceux qui n’auront pas retenu leurs chiens, lorsqu’ils attaquent ou poursuivent les passants, quand même il n’en serait résulté aucun mal.

  • ceux qui auront laissé dans les rues, chemins, places et lieux publics ou dans les champs, des coutres de charrues, pinces, barreaux ou autres outils, machines, instruments ou armes tran­chants dont puissent abuser les voleurs et malfaiteurs.



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QUELQUES VALEURS DES PRODUITS DE L’AGRICULTURE ET DE L’ÉLEVAGE



L’agriculture est soumise aux lois de la nature.

Au cours des siècles, nos « devantrains » (aïeux) eurent des « vaches grasses et des vaches maigres », autrement dit, nos ancêtres vécurent de bonnes et de moins bonnes années, et rien n’est changé de nos jours.

Les chroniqueurs des temps révolus nous disent qu’aux années d’abondance succédèrent par plusieurs fois des années où la disette régnait.

La population avait faim et cherchait par tous les moyens de quoi se nourrir et subsister.

À ces calamités naturelles, il faut ajouter les horreurs des guerres, dont nos contemporains ont encore le souvenir des deux guerres mondiales, qui ont été néfastes pour les populations de notre région.

Le moindre bout de terrain était recherché, et le citadin comme le paysan, le notaire et l’avocat, devenaient jardiniers, comme l’artisan du fer ou du bois.

Dès les temps les plus anciens, nous dirons même les temps primitifs, le pain a été et est encore à la base de l’alimentation des hommes et des animaux.

Car si les hommes mangent des grains convertis en farine pour avoir du pain, les seconds les mangent à l’état naturel ou concassé.

Bien sûr, à côté du pain, il y a les légumes, les fruits, mais aussi les viandes provenant des basse-cours et des élevages.

Et si d’aucuns ont maintenant leur table bien garnie, ils doivent un grand coup de chapeau à nos agriculteurs, nos éleveurs, nos horticulteurs, qui sont au travail 24 h / 24 et ne savent pas toujours se payer des vacances, comme la plupart de nos semblables.

La cuisine des bonnes gens de la classe ouvrière du temps passé ne pouvait pas se payer de la viande de bœuf tous les jours.

Aussi, la viande de porc était, comme le pain, considérée par la majorité des ménages, comme base de l’alimentation générale.

Au temps de notre enfance, il y a plus de septante ans, il y avait dans le village beaucoup d’animaux de petit élevage. On aurait, en ce temps-là, découvert dans les basse-cours, « dès pouyes, lapés, gates èt bèdos » (poules, lapins, chèvres et moutons).

Bon nombre de mes contemporains élevaient deux porcs, l’un pour vendre au boucher, l’autre destiné à la consommation familiale, ce qui faisait dire à nos aïeux « c’èst co dou p’tit salè », comme d’autres disaient « c’èst co toudî dèl gate », car le porc et la chèvre qui donne du lait excellent et de la bonne viande, étaient considérés comme la vache des pauvres gens.

Bref, l’alimentation d’il y a cinquante ans et plus était simple et elle était au moins constituée de produits naturels.

Nos cultivateurs n’employaient guère d’engrais chimiques pour leurs cultures et nos éleveurs n’avaient pas besoin de se servir de mélanges de graines et de farineux, et d’hormones pour engrais­ser leurs « coquias » (poulets).

Au cours de nos recherches, pour satisfaire notre curiosité, en fouillant ce qui restait des archives de la Commune de Presles, les archives des anciennes familles et, plus particulièrement, les archives de la ville de Châtelet, nous avons pu relever les valeurs des produits de l’agriculture à tra­vers les temps.

Il va sans dire qu’il n’est pas possible ici, de donner les valeurs année par année. Notre travail consiste en un sondage à travers les temps et ceux qui auront la patience de nous lire verront que si aujourd’hui on dit que tout augmente tous les jours, il en a été ainsi depuis que le monde existe.



*



Qu’on sache d’abord qu’avant la Révolution Française, nous vivions sous le régime féodal, et ressortissant de la Principauté de Liège, les céréales et autres matières sèches étaient vendues ou achetées au muid, faisant 245 litres 630. Le setier était le huitième du muid, il valait 30 litres 711.760.

Les valeurs argent ont été nombreuses, nous limitant à celles du pays de Liège.

Il y avait l’aidant, appelé aussi le liard. Les monnaies courantes étaient le patar et le florin.

En l’année 1900, certains ont estimé que l’aidant valait 1 1/3 centime ; le patar = 6 centimes.

Le florin valait 1 franc 20 ou 7 patars de notre monnaie (sic).



VALEUR DES CÉRÉALES



L’épeautre (wallon « li spiète ») valait par muid en l’an 1400, deux heaumes ; en 1478, 10 aidants et demi, en 1530-1540, le prix moyen de 21 aidants.

L’année 1656 fut celle d’une grande disette et le muid coûta 9 florins. En 1584, il vaut 3 florins 4 patars ; en 1640, 8 florins. En 1702, six florins mais, dès 1722, l’augmentation sera continue jusqu’à la Révolution française, les prix fluctuant entre 9 et 24 florins.

Comme l’épeautre (anciennement « le spelte ») était pris en considération dans les paie­ments des comptes, des rentes, des contrats, etc., les autres denrées progresseront dans les prix jusqu’à la hausse.

Le blé ou seigle (wallon « li swale »), vendu au setier de 30 litres, coûtait en 1478, deux aidants ; 27 patars en 1626 ; en 1686, 16 patars ; en 1726, trois florins ; en 1776, plus de 8 florins.

L’avoine (wallon « l’awène »), cultivée pour la nourriture des chevaux, coûtait en 1657, dix florins. Il se produit une baisse en 1685 et en 1720, mais en 1725, un muid coûte 11 florins et, en 1819, douze florins.



VALEURS DES ANIMAUX DOMESTIQUES



D’après les documents, au cours du XVe siècle, un cheval se vendait 7 mailles, environ 1 ou 2 florins.

En 1563, un cheval vaut 18 florins ; en 1640, une cavale fait 14 florins 15 patars. En 1714, on vendait des juments de 32 à 140 florins, un poulain pour 11 florins.

Dans une vente réalisée en 1726, des poulains font 12 à 28 florins. Un petit poulain brun-noir fait 15 florins.

À cette époque, il faut beaucoup de chevaux pour les armées belligérantes, aussi vend-on des chevaux jusqu’à 140 florins.

L’un d’eux est vendu 60 florins et un autre seulement quatre florins : sans doute, était-il vieux ou accidenté.

Un entier (mâle) vaut 106 florins, des juments font 32 et 82 florins, une cavale 250 florins, sans doute était-elle fécondée (« pleine »).

On paye au XVe siècle, une vache 4 à 12 mailles, soit un ou deux florins.

En 1601, une vache coûte 28 florins, en 1711, de 20 à 36 florins.

En 1726, les vaches coûtent de 30 à 36 florins, une vache avec son veau est achetée 49 florins. Les génisses valent 10 à 12 florins.

Les bœufs comme les vaches valent sensiblement le même prix. Un veau se vend en 1561, quatorze patars ; en 1666, cinquante patars et, en 1764, dix florins.

Sous l’ancien régime, il n’est pas fait mention de vente de taureau. Le règlement communal n’autorisait que le curé de la paroisse à détenir le taureau banal pour la saillie, qui lui procurait un revenu.

On a raison de dire qu’au temps passé, comme maintenant, on faisait et on fait encore argent de tout.



VALEURS DES ANIMAUX DES PETITS ÉLEVAGES



Au XVe siècle, les moutons, les brebis, les agneaux, font en moyenne 15 à 20 heaumes = 1 ou 2 florins.

En 1561, ils coûtent 28 patars ; en 1652, 14 florins. En 1695, un agneau coûte 10 florins.

Les valeurs augmenteront du double jusqu’à la Révolution française.



CÉRÉALES ET AUTRES



Le froment (« li fromint »), cultivé en moindre quantité que l’épeautre (« li spiète ») et le seigle (« li swale »), vendu au setier en 1652, coûte 16 patars ; en 1651, 45 patars ; en 1723, 32 patars ; en 1726, 32 patars 12 sous.

En 1759, le muid de blé vaut 20 florins ; en 1776, 20 florins 10 patars ; en 1812, il est vendu à 27 escalins le setier. L’escalin valait 9 sous un liard.

Les pois (wallon « lès pwès ») et les fèves (wallon « les favères ») qui entraient pour une bonne part dans le menu des populations de jadis, furent vendus à des prix sensiblement pareils.

En 1556, on paye pour un muid de pois, 25 patars ; en 1643, 28 patars ; en 1668, un demi florin ; en 1726, un florin et demi.

Le prix du muid augmentera à 2 florins en 1746.

En 1726, les vesces classées selon trois catégories seront vendues à 6 à 8 et 10 florins le muid.



LES FOURRAGES



Les fourrages se vendent par bottes ou sur pied.

En 1726, il est vendu 39 850 bottes de foin pour 217 florins 10, ce qui fait une moyenne de 16 sous les cent bottes.

On vend 1 050 bottes de « wayen » (regain) pour 7 florins 4 sous.

300 bottes de pois non battus trouvent acheteur pour 7 florins le cent.

100 bottes de vesces non battues coûtent 5 florins.

En 1768, cent gerbes d’ escourgeon (« soucouron » ou « scoiron ») coûtent 5 florins ; cent bottes de seigle, 6 florins et demi, et cent bottes d’avoine sont vendues au même prix.



QUELQUES PRODUITS DE LA FERME



Un porc de 70 livres 28 coûte en 1663, dix florins et demi ; un cochon de lait, 3 florins. En 1714, il vaut 6 florins.

En 1726, deux truies valent 24 florins, une truie borgne, 13 florins.

En 1778, un acheteur paye 75 florins pour deux truies et 12 cochons.

En 1426, deux chapons (coq châtré) coûtent 2 aidants et demi ; en 1524, 118 patars ; en 1546, 152 patars la paire. En 1695, deux chapons valent 5 florins. En 1736, 8 poules se vendent 2 escalins.

Le beurre coûte la livre 7 patars en 1626 et douze patars et demi en 1656.

Le fromage de ferme, dit « cassette » se paye la livre deux patars en 1546 ; deux gros en 1567 ; 4 deniers en 1574 ; 1 florin et demi en 1626 et 4 florins en 1678.

Les œufs se vendent au quarteron de 26 œufs. 3 quarterons en 1617 coûtent 4 florins 10 patars ; en 1676, cent cinquante œufs coûtent 33 florins ; en 1692, cent œufs sont vendus pour dix escalins. À la moitié du XVIIIe siècle, la moyenne se situe à un demi florin le quarteron de 26 œufs.

La livre de jambon vaut 10 patars en 1626. Deux jambons sont vendus pour 2 et 3 flo­rins et demi en 1714.

En 1692, cinquante livres de lard coûtent 29 florins 15 patars ; et en 1792, une livre de viande de porc vaut 25 florins Brabant-Liège.

Sur la fin du XVIIIe siècle, un « coquetier » vendait 28 poules et 3 coqs pour 6 florins ; 14 oies et 4 chapons pour 6 florins ; 14 canes et 2 canards pour 2 florins.



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Après la chute du régime seigneurial, les céréales ne seront plus vendues au muid, ni au setier.

On observe que la vente se fait à l’hectolitre, qui fait septante-huit kilos pour le froment et le seigle.

Après l’indépendance nationale, la vente se fera au sac de cent kilos.

Pendant toute cette période, le prix des céréales ne dépassera pas dix francs pour un sac.

En 1867, nous relevons que le seigle se vend 21 centimes le kilo : les vesces à 34 centimes ; le petit grain à 13 centimes. Les prix ne changeront guère jusqu’au début du XXe siècle.

En 1869, un kilo de sainfoin (« sinfoin ») ou de foin, coûte 10 centimes.

À titre indicatif, un couple de pigeons voyageurs se vend 1 franc 50.

Au début du XXe siècle, le froment, qui était à 13 F 77 13,77 fb atteindra le prix de 14 F 69 le sac de 100 Kg ; le seigle passera de 10 F 35 à 11 F 21.



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Pendant les années de la guerre 1914-1918, des mercuriales établirent les prix des denrées de base, mais le marché noir sévissait en maître et l’on paya dix fois et plus les prix du marché offi­ciel, pour des denrées de première nécessité.

Nous donnons néanmoins les mercuriales des valeurs qui nous paraissent la moyenne de celles pratiquées pendant les années de 1914 à 1919, mais il y a tout un monde, comparées aux prix que nous payons, 70 ans plus tard, c’est-à-dire en 1987.

Un sac de 100 Kg de froment coûtait 50 francs et 80 centimes ; le seigle 28F73 ; l’épeautre 17F50 ; le méteil (mélange de froment et de seigle) 30F11

Les pommes de terre coûtent 8 à 10 francs les 100 kilos.

Le kilo de beurre crème 6F50 ; salé 6F20.

Le litre de lait écrémé 20 et 30 centimes.

Les œufs coûtent 10 à 12 centimes la pièce.

La viande était rare et chère. Celle de bœuf coûtait 1F20 le kilo ; celle de veau de 1F60 à 3F70 ; celle de porc vaut 2 à 2F50 et 3F50 le kilo.

Sur pied, un porc de 125 Kg se paye à 2F40 le kilo ; en-dessous de 80 Kg, il est acheté à 1F60 le kilo.

Une truie sur pied, la viande étant dépréciée, est achetée à 1F50 le kilo.

La graisse de bœuf est rare, celle de mouton aussi, le kilo se paye à 3F50.

Après la guerre, les valeurs fluctueront de telle manière qu’en 1923, on en arrive à payer 114 francs 23 centimes pour cent kilos de froment ; le seigle, 102F37 ; le méteil 111F40 ; l’avoine 91F57 ; l’orge 114F95 ; les féverolles (« favètes ») 132 francs ; la graine de lin 237 francs ; le colza (« gol­zau ») 261 francs ; les pommes de terre 58F18 les cent kilos.

La paille par cent kilos vaut 21F27 ; le foin 33F45 centimes.

Le tabac pendant la guerre a été rare et cher : 100 kilos de tabac de la Semois, grosse coupe, pour la pipe, coûtent mille trois cent septante 1370 francs.

Le kilo de beurre coûte 21F31, les œufs par quarteron de 26 coûtent 21F40 centimes.

Maintenant, en 1987, un kilo de beurre de ferme salé ou non, coûte dix fois plus, soit 230 francs le kilo. Un œuf, première catégorie, coûte 6 francs 29.



EN GUISE DE CONCLUSION



L’agriculture, l’élevage et leurs dérivés, ont toujours été le souci des peuples pour assurer la survivance de la race.

Car, aujourd’hui, si nous sommes envahis, saturés d’une foule de produits de consommation, alimentaires et autres, il n’en a pas toujours été ainsi dans les temps révolus.

La population n’avait pour survivre que les produits de la terre.

On entend encore parfois dire que nos aïeux vivaient mieux que nous, de nos jours.

Cette question demanderait un long débat, pour pouvoir discerner l’affirmative ou la négative, chose que nous ne tenterons pas ici.

Bien sûr, les anciens eurent de bonnes années, mais aussi, combien de mauvaises (peste, choléra, famines, guerres, etc.).

Nos contemporains ont encore en mémoire le souvenir des deux guerres mondiales. Pendant ces deux périodes néfastes à notre pays, nous avons pu constater le rôle important que jouaient les cultivateurs et les éleveurs pour tant soit peu améliorer notre ravitaillement.

Le lecteur aura pu voir ci-avant, que nous avons recherché à travers les documents, la valeur de l’épeautre au cours des siècles.

Pourquoi l’épeautre (« li spiète »), plus spécialement, plutôt que les autres céréales ? Parce qu’il nous est apparu que, pendant le temps que dura la féodalité, l’épeautre, et par après le blé ou froment, fut prise en considération pour fixer un index du coût de la vie.

Sans en avoir fait une statistique, année par année, nous constatons une chose, c’est que la valeur de cette céréale s’est toujours élevée jusqu’à nos jours.

Bien sûr, il y a des hauts et des bas, mais quelle est la règle qui n’a pas d’exceptions.

Pareillement, le coût du pain a fluctué de la même manière pour en arriver à 46 francs aujourd’hui, le pain étant considéré comme l’aliment de base principal des ménages, soient-ils riches ou pauvres.

Cette fluctuation de l’épeautre (céréale) entraîna à sa suite l’augmentation des salaires et la hausse des produits divers, ainsi que celle des outils, des machines agricoles, etc.

Et cette hausse continue n’est pas encore prête à s’arrêter.

Maintenant, si les salaires sont élevés, ils ne permettent toujours pas d’acheter tout ce qu’on voudrait, tant les produits de consommation, les services, sont devenus nombreux.

Chacun voudrait consommer davantage, mais n’en a pas le pouvoir d’achat.

Et c’est là le problème à résoudre, car si « les anciens vivaient mieux que nous en leur temps », ils n’avaient pas non plus à leur disposition ce qui nous est offert sur le marché aujourd’hui.

C’est certain, l’évolution a été rapide, peut-être trop rapide au cours du XXe siècle.

Il nous faut l’accepter telle car, néanmoins, il faut reconnaître l’accentuation du progrès dans tous les domaines, et dans l’agriculture en particulier.

Notre mode de vie aussi, n’est plus comparable à celui de nos aïeux.

L’agriculteur d’aujourd’hui ne travaille plus comme celui d’antan.

Le travail à la main du temps jadis est remplacé par celui des machines agricoles, fonctionnant au mazout ou à l’essence, supprimant les chevaux.

S’il veut en sortir, le jeune agriculteur d’aujourd’hui doit se moderniser, investir parfois des capitaux importants, pour avoir une ferme répondant aux normes exigées et des machines suffisantes répondant aux besoins de son exploitation.

L’agriculteur et l’éleveur sont maintenant soumis à des contrôles sanitaires, à des quotas dans leurs productions et à toutes sortes de formalités qu’étaient encore loin de connaître les cultiva­teurs du temps passé.

 

Résumons-nous. Jusqu’à ce jour, toutes les denrées de première nécessité, les céréales, les viandes, etc., ont progressé dans la hausse, et cela ne paraît pas devoir s’arrêter demain.

Et, pour finir, faisant allusion à ce qu’un pain de 800 grammes, coupé, emballé et rendu au domicile du client, coûte 46 francs, donnons un autre exemple en disant qu’une bonne vache laitière holstein vaut plus ou moins soixante mille francs ; une vache blanc-bleu-belge coûte la somme fantastique de plus ou moins cent mille francs, en 1987.

Il n’y a pas lieu de s’étonner que tous nos produits de consommation et les salaires suivent dans leur genre les mêmes prix.



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SOURCES

 

Archives de la Commune de Presles.

Archives de la Ville de Châtelet.

Archives privées et particulières d’anciennes familles presloises.

Archives État Mons. Renouvellement de la charte de Presles. Année 1591.

Archives État Liège. Cartulaire de l’église St Lambert.

PONCELET, Cartulaire de l’abbaye d’Oignies, in. ASAN 22.

L. GENICOT et R.M. ALLARD , Sources du Droit rural.

Du Quartier d’ Entre-Sambre-et-Meuse. Article. Presles.

Plan parcellaire de la Commune de Presles, dit « Plan du Cadastre français ». 1812.

Plan parcellaire de la Commune de Presles, édité par P. POPP, +/- 1860.

1 La manse, du latin mansus, était un petit domaine instituant une unité d’exploitation agricole. La manse était la quantité de terre pour faire vivre un homme avec sa famille.

2 Arch. E. Liège. Cartulaire de St Lambert.

3 Cartulaire. Abbaye d’Oignies. o c.

4 La profession « censier-ère » n’est plus reprise au dictionnaire Larousse, édition 1979. Le remplaçant est fermier-ère ou métayer-ère, peu usité. Le wallon de Presles dit toujours « li cinsî ».

5 et 6 Arch. Comm. Pauvres de Presles.

7 Arch. Et. Liège. Reg. Cour féodale. XVIe siècle.

 8 Arch. Et. Mons. Reg. paroissiaux.

9 En 1992, Claude Pierard fut victime d’un accident mortel en soignant ses animaux. À l’heure actuelle, son fils Vincent a repris la ferme en lui donnant une impulsion moderne et différente.

10 13 14 Arch. Comm. Presles. Reg. Population au 1er janvier 1930.

1115 À l’heure actuelle, la ferme de Golias n’est plus exploitée. Elle a été remarquablement restaurée et est propriété de l’avocat BORN et sa famille.

12

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14 Arch. Commun. Châtelet

15 Arch. Et. Namur. Souverain Baillage, Farde Sart-Eustache.

16 Arch. Et. Namur. Souverain Baillage. Farde 1700-1800.

17 Cadastre. Commune de Presles, par P. Popp, +/- 1860.

18 Relevé des propriétés bâties et non bâties, selon le plan cadastral de la Commune de Presles, fait entre les années 1860 et 1870 par P. Popp.

19 À remarquer la surface des prairies dans la section B, mais nous constatons que Popp a enregistré les prés qui environnent le château sous l’étiquette « terrains d’agrément ».

20 Arch. Cles Ps. Non classées.

21 Arch. Et. Liège et Namur. Dénombrement de la seigneurie de Presles. Du XIVe siècle au XVIIIe siècle.

22 La jachère = la terre au repos pendant un an.

23 La combustion des végétaux donne des cendres qui, répandues sur la terre, sont bénéfiques aux cultures.

24 Ouvertes ou fermées = usage et coutume du temps passé qui avait un avantage : les haies faisaient office de défense et de brise-vent. À l’heure actuelle, on invite les propriétaires à planter des haies. Le passé n’est jamais perdu ou mort.

25 Muterne = en wallon « frimoûje » pour fourmilliaire ou « flamoûche » pour « fougnants » taupes.

26 Voir Pâturages, vaines pâtures et entre-cours, dans « Le Vieux Châtelet ». annuaire 7 et 9.

27 Arch. Cles Presles, non classées.

28 Un aidant = un sou. L’escalin vaut 32 « sous » ou deux plaquettes.

À cette époque, la livre de poids vaut 467 grammes 043.

En wallon, « cassette » ou « boulette » ou « crau  stofé » = « craus fromadje fermentès ».

Le quarteron : ¼ de cent, soit 25 le quarteron d’œufs = 25 + 1 de « rawète » c. à d. une œuf gratuit en supplément).

29 Les valeurs d’avant 1914 sont en francs-or, ce qui, selon « Les Variations du Pouvoir d’Achat en Franc Belge », d’après « Les Placements » de F. Baudhuin, p. 318. Base de 1913 à 100, la moyenne des prix de détail était en mai 1971, de plus ou moins 4 600 francs.

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