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Comme un raz-de-marée

Comme un raz-de-marée 1

 

Cliché IMM035

 

Les temps modernes que nous vivons font parfois changer la physionomie d'un lieu, d'un quartier ou de tout un coin du village. II en a été ainsi pour le lieudit la Falige. La modernisation récente de la grand-route n° 22 a tout transformé, en rognant les roches et en faisant disparaître le piton rocheux de la Falige, belvédère naturel d'où on pouvait jouir de la nature, tout en jetant un coup d'œil sur le village qui semble se reposer dans la cuvette que fait la vallée de la Biesme en cet endroit.

Au bas de la Falige, quatre maisons anciennes ont été rasées pour donner plus d'espace et de vue à la circulation intense sur cette voie de communication de Moyenne Belgique.

L'une de ces maisons fut occupée par Sylvain Robert et son épouse Victorine Pouleur ; de leur mariage, ils eurent deux filles : Sylvie née en 1877 et Léona née en 1880.

Au temps de Sylvain Robert, il passait assez bien de voyageurs à pied et en voiture, ainsi que des charrettes, des chariots, des camions tirés par des chevaux qui allaient ravitailler les villages et vice-versa, ceux des villages amenaient leurs denrées aux citadins, aux foires et aux marchés de Châtelet ou d'ailleurs.

Le trafic qui se faisait sur cette route nationale incita Sylvain Robert à ouvrir un cabaret. La clientèle ne manqua pas, les charretiers s'y arrêtaient et la jeunesse venait s'y amuser, d'autant plus que Sylvain, vers les années 1900, avait deux filles bonnes à marier.

En ce temps-là, il était coutumier de dire, on va èmon Silvère comme était aussi d'usage de dire on va èmon li Gros dou Roudje ou èmon li Tchaurlî, Lorent et Blampain qui, eux aussi, étaient cabaretiers.

Sur la fin du siècle dernier, un dimanche après-midi, le cabaret d'èmon Silvère fut le théâtre d'une farce montée par quelques joyeux drilles du village.

Il faut savoir aussi que si ce cabaret se trouvait en bordure de la route, ses arrières et son jardin étaient sur la pente de la Falige.

Comme en ce temps-là, les fosses septiques et le « tout à l'égout » n'existaient pas, le cabinet ou W.C. se trouvait à proximité de la cuisine. Il était constitué par une planche à lunette sous laquelle se trouvait une cuvèle (cuve en bois) destinée à recevoir la récolte des douceurs de la cuisine après leur passage dans le corps humain.

Or donc, par un beau dimanche d'été, des gais lurons s'en vinrent s'amuser follement émon Silvère pendant que l'un des compères se plaignait de coliques et réclamait avec insistance l'endroit pour se soulager.

S'y étant rendu, il laissa choir, mais non pas par mégarde, une brique de levure dans la cuve, dont il surveillait les effets en prétextant de son malaise. Sur un signe du compère indiquant que la cuvèle était prête à déborder, la bande joyeuse quitta prestement le cabaret avec force gestes et salutations.

On juge de l'effroi des tenanciers lorsqu'ils virent déferler dans la cuisine et vers la salle du cabaret la marée descendante et nauséabonde.

Cette peu ragoûtante farce avait été montée par Gustave Baudelet et son inséparable ami Théodore Mainjot, Eugène Sandron, les frères Bourlet, mon père Eugène Gravy et d'autres faisant partie de la bande. Le farceur aux coliques fut évidemment Émile Genot qui, de toute sa vie, fut toujours un joyeux drille.

Plus tard, Léona Robert reprit le cabaret où on s'amusait, on dansait à l'occasion, et qui prospéra jusqu'en 1940.

Par la suite, la maison fut louée et finalement démolie lors des grands travaux de la Nationale n° 22, autrement dite rue de Fosses.

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1 Publié en 1981 in Il était une fois…

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