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Les colonies d’enfants juifs à presles de 1945 à 1949

Les colonies d’enfants juifs à presles de 1945 à 1949



Dans les années ’80, la RTBF programma une série de reportages intitulée « Inédits ». Parmi les productions présentées, un film tourné en 1946 ou 1947 par des membres du mouve­ment « Solidarité Juive » retint a posteriori toute notre attention. Il montrait le quotidien d’une colo­nie de vacances pour enfants juifs orphelins ou nécessiteux rescapés de la guerre.

Cette colonie avait ses quartiers à Presles aux n° 51 et 53 de la rue de la Rochelle car à l’époque, cette grande maison et ses dépendances appartenaient à madame Julie LEDOUX, veuve de monsieur Charles LESSIRE. Ce n’est que bien plus tard que l’immeuble fut scindé et est actuellement propriété respectivement de messieurs DERAVET et DE IESO.

Ayant pris connaissance de l’existence de ce film, le « Patrimoine Preslois » prit contact avec monsieur Léon BUHBINDER, membre de « Solidarité Juive » et ancien participant à la colo­nie. Il nous donna un maximum d’informations sur ce sujet passionnant. Malheureusement, monsieur BUHBINDER est maintenant décédé. Suivant les conseils de sa veuve, nous avons pris contact avec monsieur Joseph SZYSTER qui, grâce à ses précieuses informations, nous a permis de faire le bref historique des colonies d’enfants juifs à Presles.

Monsieur SZYSTER a lui-même participé aux colonies de Presles. C’est à cette époque qu’il a connu Léon BUHBINDER. Ils étaient tous deux membres de « Solidarité Juive » qui, en 1969, changea de dénomination pour devenir « l’Union des Progressistes Juifs de Belgique ».

Messieurs BUHBINDER et SZYSTER ont toujours veillé à la conservation (tant que faire se peut) des archives de leur mouvement. C’est grâce à cela que nous pouvons vous décrire l’histoire des colonies juives de Presles.



Extrait du Bulletin de « Solidarité Juive ASBL » N° 4 du 1er septembre 1945 – page 4

Version originale en Yiddish

Traduction française de Joseph SZYSTER



  • Nos enfants à Presle 1

Presles, petit village, à quelques centaines de mètres de la chaussée, une petite rue qui monte, une petite rue qui descend, une petite rivière qui baigne les prés aux alentours, et les champs des environs. C’est Presles. Et à Presles se trouve notre colonie d’enfants. Un petit bâti­ment près de la forêt. Des murs souriants, des bancs et des tables verts, des petits lits clairs, un jardin avec quelques arbres fruitiers, et une balançoire – c’est notre maison. Une petite fille dit : « Ici c’est aussi paisible et agréable que dans la petite maison où vivaient Blanche-neige et les sept nains ».

Il y a 36 enfants, 34 fillettes de 9 à 12 ans et 2 petits garçons de 7-8 ans. Ils sont arrivés un peu effrayés, depuis longtemps ils ne se sont plus trouvés parmi d’autres enfants juifs, à quoi cela ressemble-t-il ?

Mais la glace a été rompue immédiatement, immédiatement les enfants se sont sentis chez eux, dans une maison communautaire.

Les plus petits se laissent vivre et s’amusent : manger, boire, chanter et danser. Mais les « grandes », celles de 12 ans veulent essentiellement savoir pourquoi le monde est effrayé, pour­quoi les Juifs sont persécutés, d’où provient la méchanceté des hommes, qu’est la Solidarité, etc. Des questions inhabituelles et cachées, auxquelles les éducatrices répondent. Les enfants mon­trent une vie spirituelle intense, un goût affirmé pour la beauté, la bonté et la justice. Et c’est avec grand appétit qu’ils acceptent de nouvelles idées.

Les enfants ont passé un mois au village. Ils ont joué, dansé et chanté. Ils dansaient pleins d’énergie et chantaient de tout cœur les chansons populaires et les chants de liberté. De prime abord, le village de Presles avait accueilli les enfants juifs de la ville avec une certaine méfian­ce, mais grâce à la conduite pleine de tact du responsable de la colonie, l’attitude a radica­lement changé. À la fin du séjour des fillettes, une chaleureuse fraternité s’était installée entre les enfants et la population locale. Nos enfants ont pris une part très remarquée lors de la fête de la victoire à Presles (le 12 août) 2. Leur numéro comique a provoqué des rires retentissants. Leurs chants du ghetto et surtout leur chœur parlé ont ému le public jusqu’aux larmes. Les enfants juifs ont récité un poème qui parle du « maquis », de la lutte pour la libération et la justice. Le village comprenait et pleurait.

L’entièreté du séjour d’un mois est très positive. Les enfants ont bien mangé, ont été bien soignés et moralement soutenus. On doit la plus grande reconnaissance aux dirigeants de la colo­nie, notre camarade directrice la doctoresse Sonia 3, les monitrices, les responsables de la cui­sine, grâce à leur dévouement et leur conduite avisée, les enfants nous reviennent mieux portants, bronzés, plus courageux, et avec de nouveaux projets bien implantés dans les jeunes petites âmes.

J 4



Courrier adressé au Patrimoine Preslois par Joseph Szyster le 2 avril 2011 donnant de précieuses informations



Extraits du mensuel n° 235 d’avril 2003 de l’UPJB, Union des Progressistes Juifs de Belgique



  • Colonie de Presles en 1946 – Une soirée consacrée à l’enfance – par Léon et Mina Buhbinder

Il n’est certes pas aisé de revenir 58 ans en arrière pour décrire d’une manière détaillée le développement et l’évolution de cette colonie de « Solidarité Juive ». Nous nous bornerons à men­tionner les extraits des textes retrouvés dans nos archives tels que :

  • rapport du conseil d’administration de « Solidarité Juive » rédigé pour l’assemblée générale ordinaire du 17 novembre 1945 ;



  • la brochure « 20 ans de Solidarité Juive, 1939-1960 » ;

 

  • bulletin de l’UPJB, 25ème anniversaire, novembre 1970.

 

La colonie de Presles

(…) L’organisation des colonies de vacances fut l’une des activités les plus importantes de « Solidarité Juive », elles furent créées en 1945, année qui suivit la libération du pays. C’est au lendemain de cette libération que Solidarité Juive s’assigna comme tâche sacrée de venir en aide aux victimes les plus innocentes de la barbarie nazie ; les enfants juifs, enfants de fusillés, de dépor­tés, des rescapés, enfants aux cœurs meurtris, ballottés d’un pensionnat à un autre pour des raisons de sécurité, ayant dû cacher leur nom et par là ayant appris à mentir.

Et ce n’est pas une simple aide que « Solidarité Juive » s’est chargée d’apporter aux enfants tant éprouvés, c’est un foyer dans une atmosphère de sécurité, d’affection, d’amour, de franche camaraderie et de dévouement, que « Solidarité Juive » voulait créer pour eux. Il fallut surmonter mille difficultés en cette période dramatique d’après guerre ; « Solidarité » y parvint grâce au dévouement sans borne de tous ses activistes.

La première colonie fut la petite maison de Presles située dans une région pittoresque et calme des environs de Charleroi, dénommée par les enfants « Maison de Blanche-neige ». Ils y retrouvèrent la joie de vivre, la santé, le bonheur et l’insouciance dont ils avaient été privés pen­dant les années horribles de la guerre. Que de dévouement et de compréhension furent nécessai­res de la part de la direction, des moniteurs et du personnel technique (son premier directeur et cofondateur fut M. Aron JOFFE).

(…) Il a été créé pendant l’exercice écoulé (octobre 1944 – novembre 1945) une colonie d’enfants à Presles qui a hébergé pendant les mois d’été plus de 150 enfants. Cette colonie nous a coûté la somme de 296 662,45 Frs., déduction faite des sommes qui nous ont été versées par l’ONE (Œuvre Nationale de l’Enfance) ainsi que d’autres qui nous ont été remboursées par cer­tains parents. Il est à remarquer que cette somme comprend les frais d’installation (mobilier, maté­riel et actuellement un stock important de produits alimentaires).

La Commission de l’enfance qui a organisé la colonie de Presles a à son actif la distribu­tion de vêtements et le placement d’un nombre important d’enfants et ce pendant les mois d’hiver. (…).

(…) bien vite la maison devint trop exiguë et manquait totalement de confort pour satisfaire aux exigences d’une colonie moderne, « Solidarité Juive » se vit obligée de chercher une colonie plus grande. Malgré l’amour et l’attachement qu’on lui portait, elle dut être abandonnée en 1949. Elle fut remplacée d’une façon heureuse par un petit château dans un coin magnifique des Ardennes, à Faulx-les-Tombes.

Cette colonie que j’ai fréquentée une dizaine de fois + un camp de l’USJJ, me laisse le meilleur souvenir, que je retrouve avec bonheur dans un film tourné en 1946 à Presles et transcrit depuis lors en vidéo. (ndlr, Léon).

Malheureusement on ne possède plus aucune liste d’enfants ayant séjourné dans cette colonie. Il nous en reste cependant des photos dont celle de 1946 qui illustre l’article.



La reconnaissance n’est pas un vain mot

On trouve dans nos archives la copie d’un texte de février 1946 émanant de la commune de Farciennes dont voici le contenu :

Au lendemain de la libération de notre territoire, en septembre 1944, notre administration communale cédait à « Solidarité Juive » le home dont elle était locataire à Presles. Ce home avait, pendant les années d’occupation, hébergé des centaines de petits Farciennois débiles et sous-alimentés où ils pouvaient reprendre force et santé grâce à une nourriture abondante et variée dans un cadre sain et familial. « Solidarité Juive » reprit le bail et Farciennes abandonna son matériel rustique en faveur de cet organisme qui hébergea des dizaines de gosses orphelins ; malades, victimes innocentes des cruautés nazies.

Cette générosité de la commune de Farciennes envers un organisme charitable et huma­nitaire n’a jamais été oubliée.

Jeudi dernier 9 février, M. PIETTE, secrétaire de la C.A.P. qui pendant la guerre s’occupait aussi du home de Presles a reçu la visite de M. JOFFE délégué de « Solidarité Juive » avec qui il avait opéré la cession de la Maison de plein air, fin 1944. M. JOFFE apportait aux sinistrés de Farciennes un lot important de vêtements offerts gracieusement par la « Solidarité Juive » qui n’avait pas oublié Farciennes. Comme quoi un bienfait n’est pas toujours oublié et le geste vaut d’être signalé.



Soirée consacrée à l’enfant

(Traduction de Boris SZYSTER. Note de Boris : compte-rendu signé M.F. c’est-à-dire Marie FINGER-CYGIELMAN).

Soirée que le patronage de « Sol » a organisée le 13 novembre (Ndlr.1944).

La salle était remplie malgré ce jour en pleine semaine. La présence de délégués des ins­titutions belges a souligné la sympathie que la population non juive porte à notre égard.

La présidente Jeanne GOLD salue et remercie l’assemblée et spécialement les représen­tants des organisations juives et non juives.

Elle explique brièvement le sujet et le but de cette soirée où apparaît le martyrologue de l’enfant juif et l’initiative de la résistance juive avec la collaboration de la résistance belge pour le sauvetage de ces enfants souvent abandonnés.

Monsieur JOSPA, un des fondateurs du CDJ dit entre autres : « l’enfant nous a donné du courage dans la poursuite de la lutte, l’endurance et l’obstination de combattre toutes les diffi­cultés. Les enfants ont assez souffert, ils ont droit à une vie normale. Par leurs souffrances et cel­les de leurs parents, ils ont mérité le droit de citoyenneté dans ce pays. Les intérêts des enfants doivent se trouver au dessus de tous les intérêts politiques ».

Madame Henriette SZYSTER parle du travail d’abnégation que la « Sol » a consenti après la libération pour restituer l’équilibre moral des enfants rescapés, et de la responsabilité qui se pose à nous au sujet de leur avenir.

Le directeur de la colonie de Presles L. JOFFE parle du foyer familial que « Sol » a créé pour les orphelins.

La déléguée du Ministère des Victimes de la Guerre est particulièrement applaudie lorsqu’elle assure au nom du Ministère qu’une aide très importante va être accordée aux plus jeu­nes victimes de la guerre, aux enfants orphelins juifs.

En proclamant : « tout pour l’enfant, toutes nos préoccupations pour l’enfant juif ! » la pré­sidente clôture la première partie de la soirée.

Dans la deuxième partie un programme artistique, très réussi, est présenté par nos jeunes protégés ; il comporte des récitations en yiddish et en français, des danses folkloriques, et finale­ment un chœur parlé sur la résistance.

Ce chœur parlé était un cri de révolte et de haine contre le fascisme inhumain, mais en même temps aussi un chant d’espoir pour un lendemain de liberté.

Ces exemples prouvent que notre activité porte ses fruits. À la sortie une personne a demandé si elle ne peut pas aider au travail de « Sol », bien qu’elle ne parle pas yiddish. Une autre dame se propose comme « marraine » et une autre désire adopter un enfant.

M.F.



Extrait de POINTS CRITIQUES mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique – mai 2011 – numéro 316 pages 22 et 23

Mémoires - Retour à Presles en 2011 (Jo SZYSTER)

Au début de cette année, une habitante de Presles, Jocelyne d’OULTREMONT contacte Léon et Mina (elle ne savait pas que notre ami Léon était décédé). Jocelyne d’OULTREMONT s’était souvenue de sa visite chez Léon et Mina après avoir vu une émission TV intitulée « Inédits » que la RTBF avait programmée dans les années 80, et au cours de laquelle elle avait montré un petit film de « Solidarité Juive », tourné en partie à Presles en 1946.

Des habitants de Presles avaient créé l’ASBL « Patrimoine Preslois » qui reconstitue l’historique de Presles. Roland HENIN, cheville ouvrière de « Patrimoine Preslois » et Jocelyne d’OULTREMONT recherchaient des informations et si possible des documents sur la colonie de «Sol ». Je leur ai fait parvenir la copie de quelques documents provenant des archives de « Sol » et la traduction d’un article tiré du journal yiddish Bulletin de Solidarité que « Sol » publiait dans l’immédiat après-guerre.

Et c’est à la suite de ce contact que « Patrimoine Preslois » nous a invités à venir leur rendre visite. Quelques anciens de la colonie (dont on voit d’ailleurs certains sur des photos de l’époque) ont évidemment accepté cette invitation avec grand plaisir et nous nous sommes retrou­vés à Presles le jeudi 31 mars. Nous étions 6.

Aucun d’entre nous n’avait imaginé la réception que Jocelyne d’OULTREMONT et Roland HENIN avaient préparée ! Quelle émotion, quelle chaleureuse ambiance, quelle hospitalité, quelle générosité tous ceux qui nous ont accueillis ont exprimées ! Simplement, sans tambour ni trom­pette, avec bienveillance, avec affection, ils nous ont replongés dans un épisode de notre enfance…

Ils ont commencé par nous offrir le café au centre culturel de Presles dont, pour vous don­ner une idée de l’importance, la grande salle de spectacle peut accueillir plus de deux cents per­sonnes. On nous a proposé le programme de la journée sans trop en donner les détails car, comme on l’a constaté par la suite, il y avait une surprise…

Nous avons commencé par aller voir l’ancienne colonie, la « petit maison de Blanche-neige » comme nous l’appelions à l’époque. On n’a évidemment pas reconnu la maison, car si nous avons vieilli, la maison, elle, a rajeuni ; ce qui était un home pour enfants débiles (dans le sens de faibles) et sous-alimentés depuis 1940 est actuellement divisé en deux habitations ; une coquette maison habitée par ses propriétaires Daniel DERAVET et Claudine LENOIR et une deuxième maison appartenant à une autre personne.

Daniel DERAVET et Claudine nous ont ouvert la maison que nous avons pu visiter à loisir, et nous ont offert l’apéritif.

Nous avons tous reconnu le petit jardin en pente qui descend vers la rivière (la Biesme), on a vu l’escalier qui mène vers le jardin depuis la terrasse arrière inchangée, escalier qu’on voit d’ailleurs sur une des photos de nos archives… Nous étions plutôt silencieux. La balançoire à bas­cule dont nous nous souvenions tous n’était plus là, mais c’était bien le jardin de la « petite maison de Blanche-neige ».

Nous sommes ensuite allés prendre la collation de midi dans le local de l’ASBL. C’est une ancienne école. Nos amis de « Patrimoine Preslois » avaient tout préparé, choix de boissons et délicieux sandwiches. Outre Jocelyne et Roland, il y avait le président de l’ASBL, Eugène GRAVY, dont le père, historien amateur, avait, de son vivant déjà, publié le résultat de ses recherches sur l’histoire de Presles, l’écrivain Jules BOULARD plein d’humour et au visage souriant et orné d’une superbe moustache, Solange HENIN (qui avait préparé la collation avec Jocelyne), Daniel DERAVET nous avait également rejoints.

Roland HENIN nous a parlé des activités de « Patrimoine Preslois » et surtout puisque nous représentions en quelque sorte « Sol » et que c’est le souvenir de la colonie de Presles qui nous réunissait, il nous a rapporté un témoignage très récent grâce auquel nous avons enfin la réponse à la question : comment se fait-il qu’en 1945 c’est à Presles que « Sol » a ouvert sa pre­mière colonie de vacances ?



Il s’agit du témoignage de José DERRIDER, âgé aujourd’hui de 82 ans, témoignage recueilli il y a quelques jours lorsque cet habitant originaire de Farciennes a appris la visite d’anciens de la colonie de Presles et dont voici la retranscription.

« Je me souviens très bien de certains moments de la guerre, les voyages à Presles en font partie. J’avais 10 ans en 1940. Ma maman, infirmière dirigeante à Farciennes me demandait parfois de repasser de l’école par son dispensaire.

Quand j’arrivais, il y avait deux ou trois enfants qui attendaient dans la salle d’attente avec leurs bagages. Vers 17 heures, le taxi de M. Oscar DUPONT venait nous prendre pour nous conduire à Presles. J’étais toujours du voyage et les enfants étaient considérés comme mes petits copains ! Cela se passait toujours à la même heure, la surveillance allemande semblait relâchée en fin d’après-midi ! Je garde en mémoire le taxi, car il avait deux sièges rabattables à l’avant, détail important aux yeux d’un enfant de 10, 12 ans.

À Presles, je restais dans la voiture avec le chauffeur, je me souviens vaguement qu’il y avait des lits à étage dans la maison, ce que je voyais au travers de la fenêtre. J’avais pour consi­gne de me taire sur ces voyages, je me souviens que les fermiers de Presles ravitaillaient la cache aux enfants.

À cette époque, la directrice était Lucy BONNE, une assistante sociale qui est devenue l’épouse de Samuel BROGNIEZ, bourgmestre de Farciennes. Ces activités étaient organisées par Samuel BROGNIEZ, grand résistant bien souvent en « vacances » forcées à la citadelle de Huy.

En 1945, j’avais 15 ans et tout était différent ; je venais camper à Presles avec mes scouts, dans le parc, au pied de la croix de bois qui surplombait la prairie en pente vers l’étang. En sortant du parc, je voyais et j’entendais les enfants de la colonie qui jouaient sur le terrain derrière la maison de Daniel DERAVET.

J’ai la certitude que ma mémoire de 82 ans m’est toujours fidèle pour ce qui concerne cette époque. Pendant la guerre, il y avait bien une cache pour les enfants à Presles mais comme c’était secret, on n’en retrouve pas la trace… ».



Ce n’est donc pas par hasard que dès 1945, le 51 rue de la Rochelle à Presles a été la première colonie de vacances de « Sol » ; c’était déjà un home pour enfants pendant la guerre, et c’est vraisemblablement le CDJ de Charleroi, avec les résistants de Farciennes et de Presles qui avait organisé la cache d’enfants juifs à Presles.

En tout cas, immédiatement après la libération du pays, la commune de Farciennes à cédé le bail de location du home à « Solidarité Juive » et lui a aussi laissé le mobilier.



Après la collation, nous sommes invités à faire une longue promenade dans le très grand domaine du château du comte d’Oultremont pour notamment admirer les tapis de jonquilles dans les sous-bois. Et là, arrivés devant le château, une nouvelle surprise nous attend ; c’est Daniel FAÏNI et ses deux superbes chevaux ardennais, Fauvette et Bijou, deux colosses de presque 800 kg chacun, doux comme des agneaux, attelés à un « char à banc ». C’est donc confortablement installés que nous parcourons l’immense parc et que nous admirons les tapis de jonquilles et nous apercevons même furtivement quelques chevreuils qui y vivent en liberté !

Nous sommes rentrés à Bruxelles en songeant déjà à organiser une gentille petite récep­tion chez nous pour nos nouveaux amis de Presles 5, dont deux ou trois se souviennent encore de nous avoir vus enfants, jouer heureux et insouciants après les sombres années de guerre.



Mes plus belles vacances

Je voudrais faire un petit commentaire sur l’importance que la maison de Presles a eue pour de nombreux enfants.

Fin 1944, la majorité de ces enfants sortaient de la clandestinité dans laquelle ils avaient vécu depuis 1942, beaucoup avaient été hébergés chez des particuliers non juifs ou dans des institutions religieuses, qui au péril de leur vie avaient eu le courage de braver les ordonnances de l’occupant nazi. À la libération certains de ces enfants ont retrouvé leurs parents, mais plusieurs se sont retrouvés orphelins.

Essayez d’imaginer leur bonheur de pouvoir passer des vraies vacances heureuses, d’être accueillis dans un village chaleureux et de courir librement dans les rues du village au vu et au su de tous.

J’ai moi-même vécu cela et je peux vous affirmer que comme tous les enfants qui ont vécu la même expérience et comme beaucoup que je continue à côtoyer depuis cette époque, c’est dans ce petit village de Presles et dans la modeste petite « Maison de Blanche-neige » comme nous l’appelions à l’époque, et ensuite dans les autres colonies de vacances de « Sol » que j’ai passé les plus belles et les plus inoubliables vacances de ma vie.

Amicalement,

Jo Szyster



N.B. La colonie de Presles cessa ses activités après les vacances de 1949 car la maison de Presles était trop exiguë. « Solidarité Juive » en loua une plus spacieuse à Faulx-les-Tombes.

1 Presle : colonie de vacances ouverte dès 1945 par Solidarité Juive dans le village de Presles près de Charleroi.

2 Voir EVE008

3 Sonia : il s’agit de la doctoresse Sonia Roitschenker.

4 J. initiale pour Jeanne, il s’agit de Rose Goldfinger épouse Maïler dite Jeanne Gold.

5 (Ndlr. En septembre 2011, nous avons été accueillis au Siège de l’Union des Progressistes juifs de Belgique à Bruxelles et ensemble, avons visité le fort de Breendonck.)

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