Histoire de Presles
HISTOIRE DE PRESLES 1
Mgr Lucien
Cerfaux
Presles, village pittoresque et paisible de la province de Hainaut, est tapi, le plus délicieusement du monde au fond de la jolie vallée que ravinent les méandres capricieux de la Biesme, dont le cours serpente entre de hauts peupliers. Des collines boisées semblent l’encager des plus ravissants aspects dont les charmes alternent avec les saisons. Toutes ces collines offrent au promeneur les points de vue les plus reposants sur la vallée et sur le village.
Si Presles est justement fier des beautés réelles de son site, il a droit aussi de s’enorgueillir de conserver les vestiges d’un glorieux passé.
Commençons
par l’étude des grottes au temps de la préhistoire
et de la période romaine.
Les grottes
Préhistoire
Jusqu’en 1840, un chemin, dans le parc du château, prolongeait la rue de la Rochelle : on l’appelait le chemin du facteur. Il suivait d’abord « Les Fosses » et descendait ensuite dans le ravin du fond « Coupe-Gueule » (où aurait vécu autrefois un Brigand appelé Masarac). On voit encore les pierres d’assises d’un pont jeté sur le ruisselet du Fond Coupe-Gueule. De là, le chemin rejoignait le ruisseau et suivait la rive droite en se dirigeant vers Aiseau. Il longeait ainsi à un bon quart d’heure du village une petite chaîne de roches. Celles-ci, à un endroit, se dressent à pic, et donnent au site un aspect grandiose et sauvage. Une arche s’ouvre dans la roche à une vingtaine de mètres de hauteur. On aperçoit à l’entrée d’énormes pierres enchevêtrées : c’est le « Trou des Nutons ». Quand on passait par là vers le soir, on entendait facilement le chuchotement des « Nutons » et les cris des « Gypsines ». Ces gnomes, Nutons et Gypsines, passaient d’ailleurs pour être bienfaisants. Si on déposait du linge à laver le soir, on le retrouvait le matin, lavé, repassé et bien rangé. C’est près du Trou des Nutons que nous devons venir faire connaissance avec nos très anciens ancêtres.
Paléolithique
Du pied du rocher, on aperçoit, à une cinquantaine de mètres du sol, à 20 m de la crête, un bouquet d’arbres qui marque l’emplacement d’une autre grotte très grande, le « Trou du Renard ». C’est une belle et grande caverne qui s’enfonce dans la roche par deux galeries profondes d’une vingtaine de mètres. Il y a bien longtemps, à la période qu’on appelle le Paléolithique il y a de cela, peut-être, 25 000 ans, le trou du Renard était un repaire de hyènes. En fouillant le sol de la caverne, on retrouve des dents de ces animaux, même des mâchoires bien conservées et beaucoup d’ossements d’autres animaux, des proies que les hyènes rapportaient : chevaux sauvages, élans, grands cerfs d’Irlande, bœufs primitifs. Des traces de foyers, des morceaux de silex grossièrement taillés prouvent que les hommes ont disputé la caverne aux hyènes. C’étaient des chasseurs nomades. Un crâne humain a été retrouvé lors des fouilles entreprises par la Société archéologique de Charleroi. Il est malheureusement impossible de savoir ce qu’il est devenu.
Néolithique
Au pied du rocher, au niveau de la prairie, deux petites anfractuosités ont servi de sépulture à la période néolithique. Dans l’une, le « Trou du Docteur », on a retrouvé une douzaine de squelettes et de nombreuses lames de silex. Les populations néolithiques se sont continuées sans interruption sur le sol du village, améliorant sans cesse la terre cultivée, jusqu’au jour où les Romains sont venus faire la conquête du pays.
Période romaine
Beaucoup de livres d’Histoire écrivent que c’est à Presles qu’eut lieu la bataille où César défit les Nerviens, en 57 avant J.C. Nous pouvons dire avec Godefroid Kurth qu’il n’y a pas de raison de fixer à Presles l’endroit de la bataille. Nous savons même quand et comment la légende s’est établie. Au XVIIe siècle, sous le règne des Archiducs Albert et Isabelle le Seigneur de Presles, Herman de LIERNEUX, faisant défricher ce terrain dans le dessein d’y planter une vigne, fut très surpris d’y trouver un antre fermé d’une pierre ; il le fit ouvrir et y étant entré avec des flambeaux, il y vit trois cadavres sains et entiers. Leur attitude était assez extraordinaire. Ils étaient posés sur de grands vases. Le corps d’une femme était placé entre les deux autres, qui avaient chacun un cimeterre à leur côte ; les trois têtes étaient ornées de couronnes d’or et enrichies de pierreries. Celle de la femme était rehaussée d’une rose de pierres précieuses et elle avait au cou un collier de succin ou d’ambre jaune, où pendait une médaille. Ce rare monument fut présenté à l’Infante Isabelle, Duchesse de Brabant, Souveraine des Pays-Bas. Là-dessus on imagine des hypothèses. Nous les connaissons grâce au même ouvrage. « Quelque soin qu’on ait pris pour découvrir les noms et qualités des personnages, on n’a pu en trouver aucun mémoire. Les curieux et les savants dans les Antiquités Belges n’en ont jamais rien dit de satisfaisant, malgré les exactes recherches qu’ils ont faites dans les plus anciennes chartes, dans les histoires du pays et dans la tradition. Je ne sais si, sans prétendre en imposer, on ne peut point penser que ce pourrait être les corps de deux princes gaulois qui commandaient les Vernandois, les Artésiens et les Nerviens dans la funeste bataille qui se donna entre la Sambre et le bois de Presles, entre les Romains conduits par César qui y remporta une victoire si glorieuse, qu’il avoua lui-même avoir perdu ses meilleures troupes et ses plus braves chefs, n’ayant jamais trouvé jusque là une résistance aussi vigoureuse qu’il crut longtemps y perdre son armée habituée à vaincre ; victoire si complète, que selon César, la nation et le nom même de Nerviens y furent détruits. Ce sont peut-être quelques petits Rois que Jules César venait de soumettre à l’Empire Romain, du côté d’Amiens, de Beauvais, de Soissons et de Reims, d’où il passa chez les Nerviens car enfin César après les avoir subjugués pouvait fort bien les avoir engagés à les suivre avec leurs troupes ; et comme il raconte lui-même avoir perdu la plupart des chefs de troupes, ces princes auraient bien pu être de ce nombre et avoir été enterrés aux environs du champ de bataille. C’est sans doute cette bataille qui a donné occasion de nommer ce lieu « Prêle », qui est la traduction du mot latin « Praelium » (sic).
C’était le temps de la renaissance, on aimait évoquer les souvenirs romains et s’y attacher. La description que les « Délices » nous font là est certainement dramatisée. Probablement le tombeau découvert était une tombe franque. En tout cas, l’étymologie de Presles n’a rien à voir avec combat.
Il y eut à Presles aux premiers siècles de notre ère, une ou plusieurs villas romaines. Dans le Trou des Nutons, on a retrouvé des poteries romaines et un trésor : un magnifique bracelet en jais avec appliques d’or et effigies d’empereur (peut-être Caracalla), d’autres bracelets, des pièces de monnaie. Lors de l’invasion des Chauques, les habitants d’une villa auront caché dans la grotte leurs richesses, croyant les reprendre la tourmente passée. Ils ne revinrent jamais.
Période franque
De cette période, on a retrouvé des tombeaux de guerriers. La découverte d’Herman de Lierneux en est un fort probablement. On a également fouillé un tumulus nommé « La tombe du Chef ».
Le château – Seigneurie de Presles (moyen-âge, Féodalité, Ancien régime)
Aperçu historique
Un millier d’années plus tard, les villas romaines n’ont pas été détruites de fond en comble. Peut-être des guerriers francs ont-ils reçu en récompense la propriété des riches Romains qui habitaient les villas. Le domaine de Presles aura été acquis ensuite par quelque chevalier féodal. La seigneurie s’est développée peu à peu. Probablement au Xe siècle, certainement au XIIe, le château était déjà là où il se trouve aujourd’hui. À ce moment il était fortifié : la porte d’entrée actuelle occupait probablement la place de la porte fortifiée d’autrefois et on imagine aisément le pont levis qui la précédait, les murs d’enceinte, le fossé… C’est au XIIe siècle que nous entendons la première fois prononcer le nom de Prêlle. Dans la vieille vie de Sainte Rolende de Gerpinnes, écrite à la fin de ce siècle, on raconte qu’une vieille femme de Presles, aveugle, faisant souvent le pèlerinage de Gerpinnes, a été guérie miraculeusement par la sainte. Voici comment le fait est raconté dans la vie :
« Il y avait une vieille femme de Presles (Praellae) qui, par accident ou peut-être de vieillesse, était devenue aveugle. Souvent, désireuse de recouvrer la vue, elle vint dans l’église surnommée Gerpinnes (Gerpinia). Là, par l’aide de la Bienheureuse Vierge Rolende, elle recouvra la vue et elle porta processionnellement la châsse, avec la foule, vers son propre village. »
À ce moment là, on devait prononcer « Praîlle », à peu près comme maintenant en faisant cependant sentir un « e » étouffé dans l’allongement d’aujourd’hui. Le vieux texte latin de la Vie de Sainte Rolende écrit : Praëlla. Le mot indique un diminutif de Pra(t)ella, les petits près, ce qui convient bien à ces vallées enserrées de roches et de bois, qui forment Presles.
De l’existence du village, il faut évidemment conclure à celle du château qui en était le centre et à celle d’une église castrale. Au XIIe siècle, au plus tard, les « manants » de Presles ont été affranchis. Ils ont reçu de la Cour de la Principauté de Liège, dont la seigneurie dépendait, leur charte-loi (les chartes-lois ont été généralement octroyées en Hainaut du XIIe au XIIIe siècle). Auparavant, ils étaient livrés, sans défense, aux caprices du Seigneur ; leur communauté a maintenant devant le Seigneur des privilèges que celui-ci s’est engagé à respecter. Elle n’est plus taillable et corvéable à merci. Le droit de mainmorte a été supprimé au moment où fut donnée la charte et remplacé par une taille particulière. Par certains appointements, conclus par Jehan de Havrech en 1522 la taille fut réduite à « deus doussains d’avoine » à payer par chaque bourgeois à la Saint Remy de chaque année. À partir de ce moment, les manants de Presles étaient des bourgeois, leur village était devenu une « franche ville » ou « franchise rurale ».
Nous possédons le texte de la charte-loi, tel qu’il fut renouvelé en 1591. Le texte commence comme ceci :
« Charte de Prelle renouvellée en l’an quinzecennonantung le IIIe jour de juillet…. Sensuyent les chartes previleiges, comoingnes et aîsemences que les bourgeois, messuyers, mannans et habitants de la terre…… »
Il y a probablement beaucoup de coutumes qui se sont ajoutées au texte primitif de la charte du XIIe siècle.
Constitution de la seigneurie
Les Seigneurs de Presles
Nous voyons qu’en 1522, la Seigneurie appartenait à Jehan de Haverech (nous connaissons de cette famille, en dehors des Seigneurs de Presles, un autre Jehan de Haverech, maire de Quaregnon en 1248). Au début du XVIIe siècle, le dernier des Haverech s’endetta. Son homme d’affaires nommé Lierneux, lui prêta de l’argent moyennant un droit de préemption sur le château. En 1621, Lierneux acquit le château et fut anobli. Les Lierneux furent barons de Presles jusqu’au début du XIXe siècle ; alors les d’Oultremont (d’abord Émile d’Oultremont) par mariage devinrent propriétaires du domaine.
La Seigneurie de Presles dépendait de la Principauté de Liège. Elle touchait à celle du Sart (comté de Namur) et au marquisat d’Aiseau (Brabant). La Seigneurie de Prêlle comprenait : Prêlle, Rohyllie (Roselies), Evresquoy (Bas-Sart). Jusqu’au XVIIIe siècle, cette Seigneurie était une « Haulteur » : le Seigneur avait droit de Haute justice sur les délits, même les délits capitaux, comme le meurtre, l’incendie, etc. qui entraînaient la peine capitale. Il y avait dans la ville un gibet où avaient lieu les exécutions. Il se trouvait aux Coumagnes, peut-être là où il y a encore aujourd’hui une sorte de place rectangulaire. Près du château se trouvait le carcan et dans le château, une prison. Par exemple : Pierre Robert et Nicolas Le Bon, habitants et bourgeois de Preile (ils sont défunts en 1705) ont été incarcérés dans la prison du château de Preile et retenus plus de six mois par le Seigneur de Lierneux
« ce long emprisonnement ne provenoit et n’étoit causé que de ce qu’ils avaient dit que le dit Seigneur leur faisoit et à toute la communauté un grand tort au sujet des bois de plus qu’après le relâchement desdits Robert et Le Bon, ledit feu Lierneux fit encore emprisonner Nicolas Douchamp demeurant en son temps à Nevers et que ledit Douchamp n’a jamais pu apprendre autre raison de son emprisonnement, sinon qu’il avait été de compagnie avec lesdits Robert et Le Bon et s’entretenu desdits bois. Finalement que le même Seigneur défunt auroit réduit à la mendicité Marie Falaen pour avoir dit, estant trouvée dans les bois dudit lieu ramassant du bois pour se chauffer, que ledit bois n’appartenait pas audit Seigneur. Davantage que le même défunt estoit très fâcheux et vexoit beaucoup ses bourgeois et manans par procès et autrement. »
Ce droit de haute justice eut bien des abus. Au XIVe siècle, il était fort limité. La justice était rendue par les échevins de la commune. En pratique, ceux-ci faisaient l’enquête, ensuite le procès était plaidé et jugé à Liège. Les exécutions capitales se faisaient à Presles. Le village avait son mayeur pris comme les échevins parmi les bourgeois. Le mayeur était d’abord le représentant et l’intendant du seigneur ; il devint peu à peu l’homme de la commune. On voit alors apparaître un nouvel employé du Seigneur, l’officier bailli (début du XVIIIe). De même les échevins nommés par le Seigneur pour une durée temporaire (un an ou plus) étaient plutôt les gardiens des droits communaux. Il y avait trois sergents (nos gardes-champêtres) un pour Presles, un pour Rohyllies et un pour Everesquoy. Le meunier assermenté était lui aussi, à sa façon, un officier du Seigneur. De même en cas de sécheresse on « commettait » deux hommes pour surveiller le four et les cheminées. Voici le texte de la charte :
« Il en peult le dit Seigneur toutes et quantes fois qu’il fait seicheur, soit pour challeur ou pour gellées, faire cômander que tous bourgeois et mannans mettent exhelles auz toietz des maisons et le chauldron que deux hômes soient cômis par justice pour aller visiter les fours et cheminées des maisons. »
Nous avions également un « herdier » berger communal. Primitivement tous les biens de la ville appartenaient au Seigneur, peu à peu se constituent des « héritages » ou « terres » dont la propriété reste au Seigneur, mais qui cependant peuvent être légués, vendus par les occupants. Certains biens constituent la réserve seigneuriale. Nous parcourons d’abord les biens réservés avant de parler des autres droits du Seigneur, puis de la ville franche.
Réserve du Seigneur
Le château
Nous avons une description du château du XVIIIe siècle dans « Les Délices du Pays de Liège ».
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Le château de Presles
À peu de distance de la Sambre, on trouve un agréable vallon où est situé le château de Presles. Quelque resserré qu’il soit entre des collines dont la plupart sont hérissées de roches, il n’en est point offusqué ; et ce qui semble lui dérober les amusements de l’esprit et les jeux, est précisément ce qui en fait l’agrément. Des rocailles s’élèvent au-dessus des bois qui tapissent ces hauteurs dont les unes représentent des pyramides, d’autres des masures de quelque ancien monument, plusieurs même des tours et d’autres ouvrages dignes de l’art, formant des coups d’œil très amusants. Les titres de toutes les espèces qui forment ce paysage, nuancés par des feuilles de diverses couleurs, sont continués depuis la cime des collines jusqu’au rivage d’un gros ruisseau ; et si la continuité en est coupée, ce n’est que par des champs fertiles, des vergers, des pelouses, des prairies et autres terrains dont la variété rehausse la beauté des aspects, qui par cette diversité même quelque champêtre quelle soit, recréé mieux les sens et amuse plus agréablement le spectateur.
Rien ne trace mieux l’idée de l’ancienne magnificence que cette noble maison. Quatorze tours de toute hauteur, couvertes de dômes, montées de lanternes et parmi lesquelles s’élève considérablement la tour de l’église, assortie d’une haute flèche et en fait un point de vue qui arrête et attarde ceux qui l’abordent. Un mur de briques et de pierres de taille qui forme la basse-cour est flanqué vers le milieu de l’enceinte d’une belle tour saillante surmontée d’un dôme dans le goût turc et terminée par un croissant. Outre cette tour, il y a une porte de chaque côté, par où l’on entre du donjon dans la basse-cour, l’une bâtie à la rustique et couverte d’un toit à la mansarde et l’autre ornée de pilastres rustiques surmontées de vases, en face d’un perron de cinq degrés.
La principale entrée est du côté opposé au village ; on l’aborde par un beau chemin, pratiqué entre un verger et une prairie suivie de plusieurs autres vergers très bien cultivés. La façade consiste en une grande porte rustique, surmontée d’un pavillon et cantonnée de deux grosses tours très élevées, dont les dômes surmontés de lanternes font un très bel effet ; le corps de logis qu’occupe le Seigneur fait face à une terrasse, soutenue d’un bon mur de pierres de taille garni d’une balustrade de marbre brut. On y a aménagé un escalier qui conduit dans un agréable parterre composé avec beaucoup de goût et garni d’arbustes artistiquement taillés. Les murs du jardin du côté de l’orient sont presque baignés du gros ruisseau, qui après avoir fourni ses eaux à des moulins, des forges et des papeteries, coule pour l’utilité et l’agrément de cette terre. On y trouve en abondance les truites, écrevisses et autres poissons.
La façade du bâtiment du côté de la cour découvre un bel enclos qui, s’élevant en amphithéâtre, est terminé par une espèce de bosquet de haute futaie. On y trouve un très beau jardin ennobli de plusieurs allées de charmilles et garni d’arbres fruitiers avec beaucoup de symétrie et des mieux entretenus. (…) Quoiqu’il en soit ce château fait toujours un séjour agréable. La terre qui lui est unie est très seigneuriale par les droits honorifiques de chasse, de pêche, de feu, de corvée et autres avantages qui lui sont attachés. Elle appartient à Monsieur Gabriel-Amour-Joseph de Lierneux, baron de Prêle ; il y a trois belles censes qui dépendent de cette terre, un moulin banal et franche taverne.
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Les fermes
Il y a une cense près du château (on la voit sur la vue) il en reste « la grange ». Il y a deux autres censes seigneuriales : la Cahoterie et la cense de Golias qui sont du XVe siècle.
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Le moulin
La charte permet de décrire par le détail les droits du Seigneur vis-à-vis du moulin.
« At le dit seigneur de Prelle ung moulin, huyasine et escossière gissant et soituez en lieu dit le massils auquel moulin chacun bourgeois et mânans demorant au dit Prelle, Rohillie et Everesquoy est tenus et subie etz de venie moudre par bon, sur l’amende de septz sols montant vingtung pattars monaie commune et ne peult nuls diceu bourgeois et mânans alleny envoyer moudre hord du dit moulin. Si ce nestoit que le dit moulin fuist à ce jour par ouvrage (repos) que on y faisist ou aultremant. Et aulcun faisait ou consentait de faire mouldre aultrement que dict est, le moulnie (meunier) serimentez de la dite huyssine ou les officiers du seigneur procroient resuyre la farine par route la dite terre et lae pains jusque au fourre et seroit ycelle farine ou pain acquise et suroit le dit bourgeois ou mânan forfaientet l’amende telle que dessus etsu aulcun cachait grains pour mener moudre dehord et il fuist trouver en la dite terre, fuist par le mulnire ou par les officiers du dit seigneur portant ou raportant grains ou farine mesme le cheval (ay aulcun en y avait) serait à la voultez (volonté) du dit seigneur. Et auroit le dit bourgeois ou mânans forfaient lamende telle que dessus. Entendu que chacun mulnire qui prend accensil ou mannie le dit moulin doibt à son entrée faire serment à la justice de bien et nettement mouldre et entretenir eceluy moulin et de moudre et tenie chân à son ordre, et doit prendre moulture au seisième ou moulin par dessoulz alla penne du van. Sy hault que sur lamende etsi le dit moulnire ou aultreque par luy prendraient moulture hault sur le moulin et il fuist raportez par le sergent ou par aulcuns bourgeois ou mânans celui dit moulnire et celluy acuy le grain seroit sil estoit pât et le souffist seroient cân à une amende telle que dessus, et ne peult ledit moulnire au dit moulin vasches, beufs troyes, pouceaux, gallines (poules), ne nulles aultres bestes quelconcques. Et quand la byes de dessur le moulin est affaire destre nettoyez et fourbis, le dit moulnire doit tourner le avec alle batte et les bourgeois et mânans le doient nettoyer et fourbire touttes fois que bessoingne et necessaitez et ne peult le dit moulnire refuser de moudre le dit bourgeois et mannans touttefois qu’on y vient se dont n’est quil y eust trop à moudre au dit mannan et au cas que le dit moulin seroit si occupez et empeischeit que on ne polroit mouldre et qu’il vonvenist pour ce illecque séjourner, le dit bourgeois ou mannans polroit au tiers jours reprendre la dit moulnée et aller moudre ou mieux luy plairiy sans tien forfaire. Et peult la justice lever le moulin touttes fois quelle en est requise par aulcun bourgeois ou mannans et ycelluy visener et ce faulte y estoit trouvues le moulnire seroit à lamende ne dict et enseignement des échevins. »
La charte ne parle pas du four
Dans beaucoup de villages le four était banal comme le moulin et il y avait obligation pour les manants de s’en servir. Probablement que le nom de la place qui est actuellement la place communale – celle-ci se trouvait autrefois près de l’église – « le fournia » - rappelle l’existence du four banal. La charte n’en parle pas, probablement parce que les droits étaient tombés en désuétude. Nous savons que des maisons avaient leur four particulier.
Franche Taverne
Il y avait à Everesquoy (d’après les actes) une taverne seigneuriale, auberge, un débit de vin et de bière. Probablement qu’il existait une brasserie seigneuriale, banale également comme dans tous les villages.
Les eaux
Le Seigneur reste évidemment propriétaire des eaux. Les manants ne peuvent en disposer sans permission. Charte :
« Chân bourgeoy ou manant en ladite terre peult prendre aisemence à la course de l’eauwe par toutte la haulteur sans le pouvoir tourner hors de sa course accoustumet sy nest par congiet du seigneur. Et y peullent ceux de Prelle et de Rohyllie peischer et prendre poissons en toute manière que ils les peullent avoir ou enpenner sans harna gissante et en payent chîm bourgois et mannans des dits Prelle et Rohyllie par an au joue St Jean Baptiste ung poulet de Cens mais nul ne peult faire huyssine sur les dites eauwes sans congret du seigneur ».
Les manants peuvent pêcher en temps permis dans le ruisseau. Le seigneur se réservait la pêche des « Bis » et autres canaux qui ne sont pas du cours de la rivière (Protestations du Seigneur aux plaids généraux). De plus : « il se pratiquait de toute ancienneté que ceux qui pêchaient dans la rivière devaient présenter au Seigneur ou en son absence à l’Officier-baillot les poissons et « egrevises » qu’ils avaient pris ».
Les prés
Certains sont seigneuriaux. Ainsi le long pré sur lequel il y a une corvée. Charte :
« At le seigneur du dit Prelle ung preit appelez long preit lequel preit quand il est à fenner le cômis par le Seigneur peult faire commander la corvée delle nuiet à lendemin et adoncque doibt chûn bourgois et mannans du dit Prelle au son della cloche aller fenner le foure du dit preit sur l’amende a faulte que chûn n’y serait ou envoyerait aide suffisante faire acquiète de fenner pouferait l’amende de septs solz, pour laquelle corvée et redevance. Le dit Seigneur doibt à chûn des dits bourgeois ou mannans ung pain vallissant deux gros et une pièce de fromage et se doibt payer et livrer sur le preit lequel preit est awoyen et ay ont les dits bourgois ny mannans point de pasturage jusque au jour de Noël. »
Les bois
Les manants ne peuvent y faire paître leurs bêtes que sous certaines conditions. Charte :
« En quelles pièces de cômoingnes et chaînes aicelles, chûn bourgois et mannans peult tailler et faire tailler bois à ses frais et journées sans y faire coide. Et ne peult neuls faire tailler se il nat le failleur à ses frais et journées. Et ne peult nulz vendre les leignes qu’il auroit taillier et appartiennent aussiz auxdits bourgois et mannans, le pructqui sont enadits cômoingnes et les peullent aller quérier touttes frais qui leur plait moyennant quelles ne soient embannées. »
La chasse
Le Seigneur se réservait strictement le droit de chasse et proteste souvent contre les manants qui y chassent avec armes et autres instruments.
Les chemins
Certains chemins appartiennent également au Seigneur.
Les droits du seigneur
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La justice,
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Les tailles remplaçant les mains-mortes,
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Les corvées :
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pour faner le foin,
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pour nettoyer le by du moulin,
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pour entretenir les chemins.
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Les tenures, courtils, masures des bourgeois et manants
Le village était à peu près ce qu’il est maintenant. Cependant plusieurs maisons ont été abattues dans les alentours du château. Il y avait là un premier groupe important, autour de l’ancienne place. Là se trouvait la vieille « chambre » (maison communale) où il y a aujourd’hui l’étang, en face du couvent des Sœurs et de la cure. La maison occupée aujourd’hui par les sœurs et la maison de Carly (aujourd’hui « La Blanche ») sont très anciennes masures. On aperçoit encore des traces de maisons dans la rue de l’église (à gauche, avant d’arriver chez Nollet) et dans le parc, sur la colline en face de la terrasse (où passait le chemin du facteur). De ce premier groupe de maisons se détachait le long des roches, la rue de la Rochelle. Il y a beaucoup de vieilles maisons, mais petites en général. Près du pont se détachait la « Stâlette » (Stratella ou plutôt stra(t)elletta, petit chemin). Passé le pont, un groupe de maisons autour du four banal. Là se trouvait également la papeterie et les forges. De là partait la Haute rue. Il y avait le groupe de maisons à « Bonge » (grande rue comme maintenant). Everesquoy avait ses maisons groupées autour de la Franche Taverne. Les maisons étaient couvertes de chaume et les dangers d’incendie étaient grands. La charte de 1591 le prévoyait. Chaque masure possédait généralement son jardin et son verger. L’ensemble formait le courtil.
La commune
Nous avons vu que le mayeur et les échevins gardaient les droits de la commune comme ceux du Seigneur. La commune possédait des biens en propriété pour la jouissance des manants : des bois, des prés, des chemins qui sont décrits dans la charte. La communauté était fermée. On se défendait contre les étrangers. Charte :
« Ilem peult le dit Seigneur de dit Prelle en lan mille quatre cens et chincques au moix de décembre quant aulcuns inconvénients advient en ladite terre et seigneurie de Prelle par quelques affaires à ces dits bourgois et mannans de poursuivre et appehendez tels afforains par toute sa haulteur fallans de obéir à tel grand ou au son de la dite cloche seraient à lamende de sept solz pour chun pals quils defendraient sy doncque ne montraient lealle soingnes et sy aulcuns accidents advenoit en ce faisant, le dit Seigneur les peult advoer selon le fait. Ilem peult encore le dit Seigneur quant aulcuns afforains cônnect estour et burine en la dite Seigneurie, le faire appréhender et détenir en prison tant et sy longuement que le fourfaictz seroit emender au Seigneur et alle partie selon la quantité du fait et sy telz afforains nestoit tous appréhendez et il se rabattist par après en ladite Seigneurie, le dit Seigneur le polrat faire appréhender et détenire jusque adu que le tout seroit amendez côme dict est. »
Plaids généraux
Il y en avait plusieurs par année. Le plus solennel se tenait à la Saint Remy. Seuls étaient admis les pères de famille et bourgeois. Par l’intermédiaire de l’Officier-bailli, le Seigneur y faisait ses protestations contre toutes les « faultes » qui étaient faites à ses droits et prérogatives et contre les abus de toutes sortes. Nous possédons une collection intéressante de protestations de cette sorte du début du XVIIIe siècle. C’est par exemple Tilman qui a levé les droits du Seigneur en 1716 sur un terrain blavé d’excréments de fer vulgo (communément appelés crayaux) assez près de la papeterie et aboutissant à la rivière, lesquels crayaux, il y a témérité d’ôter de leurs lieux sans la permission dudit Seigneur… « Ou bien les enfants du même Tilman, le jour de Saint Joseph de 1717, ont commis des violences sur la personne de Joseph Wauthier, bourgmestre pour lors dudit lieu qui fut à sang coulant par Jean-Baptiste Tilman, son dit fils… a lève ses droits de chasse, de pêche, etc. des manants ne paient par leur taxe ou leur amende, on trace de nouveaux sentiers à travers des terres labourées. Ou bien le mayeur ne veut pas remettre ses comptes. »
En 1706, le mayeur n’a plus remis ses comptes depuis 1701, et comme le Seigneur est lésé par la façon dont ce mayeur s’impose des taxes
« on ne doit pas être surpris si ledit Seigneur s’en pourvoie d’un autre qui donnera exclercissements de toute sa conduite au publicque au lieu que celuy-cy pour cacher sa malice refuse de faire voir tous les comptes rendus et qu’il a passé pour être au préjudice du dit seigneur et d’autre mannans, mais quoi qu’il puisse faire, le dit seigneur luy ordonne pour la dernière fois de remettre les dits comptes rendus à moins d’y être contraints par voye de justice et comme il ne peut y avoir deux maîtres dans un lieu, le Seigneur agira à son égard selon que le cas l’exige. »
L’église
L’église du vieux Presles a malheureusement été détruite. Elle se trouvait à l’emplacement de l’église actuelle, mais orientée à l’opposé de celui-ci. Le clocher touchait au château. On avait accès aux cloches par le château (archives). Autour de l’église se trouvait le cimetière. D’après une vue des « Délices de l’ancien païs de Liège » l’église était de style renaissance. Elle a dû être rebâtie quand le château fut transformé, peut-être à l’avènement des Lierneux. En 1717, la croix placée au sommet du clocher menaçait de tomber.
Il y a dans le pavement de l’église actuelle deux pierres tombales d’anciens curés du XVIIIe siècle. La cuve en pierre des fonts baptismaux est celle de l’ancienne église ; on possède encore deux petits chandeliers, des calices, un ostensoir et quelques ornements. L’entretien de l’église incombait en partie au Seigneur en partie aux habitants.
La cure
La cure actuelle avait été bâtie en 1808 sur un terrain cédé par le baron de Presles moyennant un échange avec la commune.
Après la révolution française
Le vieux Presles s’est mis à mourir peu à peu. La vieille église disparut la première. Une lettre du Gouverneur du Hainaut, en 1827, parle de la nouvelle église de Presles.
Mons, le 27 septembre 1827
Monsieur le Vicaire Général,
J’ai l’honneur de vous communiquer trois pièces relatives à la cession faite par M. le Comte d’Oultremont et à sa famille du jubé construit dans la nouvelle église de Presles.
Je vous prie de bien vouloir me renvoyer ces pièces le plus tôt possible avec vos considérations et avis.
Le Gouverneur du Hainaut
Réponse du Vicaire Général Godefroy au Gouverneur.
30 septembre 1827
Le vicariat… Vu et examiné le contenu de la teneur de l’acte ci-dessus, applaudit aux motifs y énoncés. Nous consentons en ce qui nous concerne, non à la cession de la propriété du jubé, le mot propriété est ici inadmissible, mais nous nous consentons à la cession de la pleine jouissance et de l’usage total du jubé en faveur de Monsieur le Comte Émile d’Oultremont et de sa famille, aussi longtemps qu’elle existera, aux clauses et conditions de l’acte ci-dessus.
Donné à Tournai, le 30 septembre 1827
Signé : Godefroy. Vic. Gén.
Il y avait accès du château à ce jubé-tribune. Probablement le vieux subsista et une partie des murs. Le nouveau cimetière date de la même époque.
Lettre du Curé de Presles à Monseigneur
23 juin 1853
Je viens supplier votre Grandeur de m’autoriser à Monsieur le Comte d’Oultremont un coin de terrain contigu à l’église et qui a servi autrefois de cimetière. D’après tous les renseignements, je crois qu’on y a plus enterré depuis plus de 25 ans. Monsieur le Comte d’Oultremont cèderait en échange un terrain qui touche au cimetière actuel et qui servirait à l’agrandir.
Je supplie en outre votre Grandeur de m’autoriser à faire à l’église tous les changements que nécessiteront tous les travaux à exécuter pour son embellissement, son agrandissement et pour le changement du chœur qui sera placé du côté du château, tandis que l’entrée sera à la place du chœur actuel. Les travaux de construction sont évalués à la somme de 170,6 FR (sic), que Monsieur le Comte prend à sa charge.
Si la Commune obtient les subsides qu’elle a demandés, ils serviront pour la décoration intérieure ; si elle n’obtient rien, Monsieur le Comte fera seul.
Veuillez agréer…
Durant
Réponse de M. le Vicaire Général Voisin
24 juin 1853
Monseigneur est en ce moment absent. Je ne doute pas qu’il ne vous autorise à accorder à Monsieur le Comte d’Oultremont la parcelle de terrain dont il est question dans votre lettre du 23 courant. Dans l’entretemps, vous pouvez convoquer extraordinairement le conseil de fabrique de votre église pour délibérer sur cette affaire. Vous ferez faire deux expéditions de cette délibération, que vous adresserez à S.G. afin d’approbation.
G.V. Voisin Vic. Gén.
4 juillet 1853
Lettre du Curé de Presles à Monsieur le Vic. Gén. Descamps
Par suite de ce changement, la tribune de M. le Comte qui se trouve dans le fond de l’église, vis-à-vis du chœur, se trouvera d’un côté de celui-ci, la sacristie de l’autre et la tribune des domestiques du château au-dessus de la sacristie.
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14 juin 1854
Le Gouverneur du Hainaut communique pour avis à Mgr les délibérations conseil de fabrique et du conseil communal de Presles accordant, sous l’approbation de l’autorité supérieure, la concession à M. le Comte d’Oultremont, pour lui et sa famille, de la tribune à construire à droite du chœur de l’église. Le gouverneur fait remarquer que Monsieur le Comte a pris l’engagement d’intervenir pour une somme de cinq mille quatre cent quatre francs soixante quatre dans les frais d’agrandissement de l’église évaluée à 17 404 FR.
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20 juin 1854
Autorisation accordée par Monseigneur. La tribune en question devra se trouver dans les mêmes conditions qui existaient auparavant.
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18 juin
Lettre du Curé de Presles à M. le Vic. Gén.
La tribune de Monsieur le Comte se trouvera du côté droit du chœur, je veux dire du côté de l’épître. Elle sera plus élevée que le chœur et on y entrera, comme dans l’ancienne tribune, du côté du château. Il y aura communication de la tribune avec le chœur par un escalier qui sera fermé de deux portes ; l’une en haut qui s’ouvrira dans la tribune, l’autre en bas qui s’ouvrira dans le chœur. Monsieur le Comte aura la clef de la première porte et le curé de la paroisse celle de la seconde. Cette communication ne servira que lorsque les membres de la famille devront se rendre à l’église pour la réception des sacrements ; en tout autre temps les portes restent fermées.
Le château fut rebâti à cette époque, le parc agrandi et embelli, la ferme près du château détruite. L’école des Sœurs date de l’année 1846.
Lettre du Curé de Presles à Monseigneur.
21 octobre 1846
Monseigneur,
La paroisse de Presles, comme beaucoup d’autres de ce genre, ne possède jusqu’ici qu’une seule école pour les enfants des deux sexes ; et, encore, la salle est tellement petite que les garçons et filles sont pressés les uns contre les autres au grand détriment des mœurs et de la bonne éducation. La famille d’Oultremont, dont le zèle et le dévouement sont bien connus, vient de décider qu’elle y établira et entretiendra à ses propres frais une école pour les filles. Monsieur le Comte d’Oultremont, père, abandonne à cet effet un beau local situé près de l’église et Monsieur Charles d’Oultremont de Bryas, son fils, qui doit un jour habiter le château de Presles, se charge de l’entretien de deux religieuses qui y tiendront l’école. Monsieur le Comte en me faisant connaître cette décision me prie de faire les démarches nécessaires auprès de votre Grandeur afin de réaliser le but qu’il se propose. C’est pourquoi je prie très respectueusement votre Grandeur, de vouloir bien autoriser d’abord l’établissement de cette école dans la paroisse de Presles et ensuite de me permettre de traiter avec la supérieure de Macon à l’effet d’obtenir deux de ses sœurs pour tenir la même école.
Si je donne la préférence à cette communauté, c’est d’abord parce qu’elle est dans notre diocèse et qu’ensuite connaissant la ferveur qui y règne, j’ai ma confiance d’y trouver des sœurs qui, en donnant une instruction solide aux enfants formeront en même temps leur cœur à la vertu. J’ai l’honneur…
Durant,
Recteur de Presles
Réponse de l’Evêché à l’abbé Durant
2 novembre 1846
Sur la demande qui nous a été adressée par M. Durant, curé de Presles, tendant à obtenir l’autorisation de recevoir dans sa paroisse, pour y donner l’instruction aux jeunes enfants du sexe féminin, deux sœurs de la maison du Tiers Ordre de Saint François établie à Macon.
Considérant que MM. Les Comtes d’Oultremont se chargent de l’établissement de l’école et de l’entretien des religieuses appelées à le diriger ; considérant que l’établissement projeté est de nature à procurer de grands avantages à la paroisse de Presles, nous autorisons la Supérieure des Sœurs du Tiers Ordre de Saint-François à Macon, à établir une maison succursale dans la paroisse de Presles, pour y diriger des filles externes.
Donné à Tournai, le 2 novembre 1846
Signé : G.J. évêque de Tournai
L’école des garçons date des environs de 18802.
La grande guerre qui a épargné le village a porté cependant les derniers coups au vieux Presles. Nous avons vu mourir la papeterie. Le moulin ne moud plus, la vieille roue à aubes de son « huyssine » ne tourne plus ; elle est remplacée par une turbine et une dynamo qui fournissent l’électricité au château. À leur tour les biens de la réserve seigneuriale disparaissent : les bois, les terrains sont vendus. Cette année 1936 même, on a vendu à l’encan à Bruxelles, la riche bibliothèque que les Lierneux avaient réunie à la fin de l’ancien régime et au début du XIXe siècle. Les légendes sont mortes l’une après l’autre. Les vieux souvenirs sont oubliés. On vit à Presles comme partout, on ne se soucie plus des « afforains », plus d’esprit de communauté. On ne sait plus qu’on a joui des siècles de paix sous la bonne « Loy de Liège » quand chaque manant avait son courtil, pouvait pêcher dans la rivière poissonneuse et aller chercher dans le bois sa provision pour l’hiver, quand les troupeaux paissaient dans les prés des « comoingnes » sous la garde du berger communal.
Il nous faut travailler pour que le nouvel ordre des choses vaille en valeur spirituelle autant que l’ancien. Il nous faut aussi connaître et aimer notre passé et recevoir ses leçons de courage, de religion, d’amour de la tâche humble, fidèlement accomplie, de soumission à l’ordre établi. Il faut conserver soigneusement comme des reliques, ce qui reste du passé : des vieux bâtiments, des meubles anciens, …
Géographie
Presles est une commune rurale qui comprend : Presles proprement dit, les Binches et le Bas-Sart ainsi que bon nombre de fermes détachées dont les deux principales sont : « La Cahoterie » et « Golias » dont nous avons parlé dans la partie historique.
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La terre étant argileuse est très fertile. On y cultive le froment, l’orge et les betteraves fourragères pour l’exploitation. L’avoine et la pomme de terre pour la consommation journalière. Le long du ruisseau où l’humidité constante favorise la croissance de l’herbe, existent des prairies naturelles, il y a également des prairies artificielles. On pratique l’élevage des vaches dont le lait sert à la fabrication du beurre ou est envoyé dans les villes industrielles. Le beurre est vendu dans les maisons particulières et sur le marché qui se tient à Châtelet, ville la plus proche. On y fait aussi l’élevage des bœufs qui, lorsqu’ils sont bien fournis en chair et en graisse se dirigent vers l’abattoir des villes.
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De grands bois, qui appartenaient tous jusqu’en ces dernières années au Comte d’Oultremont, entourent le village.
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Le « Fîte » (Foyt) situé au nord de Presles, était planté de chênes, de hêtres. Il est maintenant complètement rasé.
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Le « Chaurnois » avec ses hêtres et ses charmes.
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Le bois des Binches.
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Chaumont, le bois Maître Pirard (sic), la Haie Presles.
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Le parc et les bois qui l’entourent.
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Le bois est taillé et envoyé à la scierie du comte installée dans le parc à la place de l’ancien moulin dont nous avons parlé dans Presles Historique. Ces planches à leur tour sont expédiées pour être transformées en meubles. Les lièvres et les lapins sont les seuls habitants permanents des terres boisées. Chaque année, ces charmantes petites bêtes doivent subir un temps d’épreuves qui leur vaut ou la vie ou la mort : la « Traque ». Celle-ci se faisait au commencement de l’hiver et je me souviens que le soir de ces journées, papa racontait comment cela s’était passé, qui avait le mieux tiré et tué le plus de gibier. On y voit parfois un sanglier, un renard ou un chevreuil.
Ressources minérales
On y extrait uniquement de l’argile à 3 endroits différents :
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dans le hameau des Binches ; là elle est tirée par un ou deux hommes, pas plus, à une dizaine de mètres de profondeur. Elle est envoyée à Châtelet dans l’importante poterie Bertrand ;
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dans Presles, sur la Grand’route, et dont on fait des briques sur place. « Les petites prairies » sont dans une région avantageuse à plusieurs points de vue : aisance, santé, nature.
Presles (d’après le dictionnaire)
Géographique, historique, archéologique, biographique du Hainaut par Théodore Bernier ; édition 1879
Commune de l’arrondissement administratif, arrondissement judiciaire, canton de milice et de justice de paix de Charleroi.
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Ancienne juridiction : Principauté de Liège.
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Population : 925 habitants.
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Superficie : 596 hectares 75 ares, 50 centiares (sic).
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Situation : à 12 km E. de Charleroi, 48.E. de Mons.
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Antiquités : (âge de fer) Tombeaux antiques, autel druidique, cimetière belgo-romain.
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Monuments : église de saint Remy, belle construction semi-classique, dont la première pierre fut posée le 13 juillet 1825, par monsieur le Comte d’Oultremont – Et le château moderne.
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Histoire : d’après plusieurs auteurs qui ont fait dériver Presles du mot latin Praelium, ce village aurait été le théâtre de la grande bataille dans laquelle Jules César battit les Nerviens 57 ans avant l’ère chrétienne. Les écrivains modernes ne sont pas d’accord sur l’endroit où se livra ce combat sanglant. La Seigneurie de Presles après avoir appartenu à une famille qui portait son nom, passa dans celle de Seraing, d’Enghien, de Lierneux et enfin au Comte d’Oultremont son possesseur actuel.
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Biographie : FOURMOIS (Théodore), un de nos plus célèbres peintres paysagistes né en 1814, mort en 1871.
PRESLES (Gilles de) abbé d’Aulne, mort en 1484, auteur de plusieurs volumes de sermons.
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Bibliographie :
Albert Toillies, Rapport sur des antiquités trouvées à Presles (Mémoires de la société des Sciences du Hainaut, 3ème série, tome X).
J. Kaisin, Notre opinion sur la bataille de Presles, Farciennes 1872.
Bornans, Les Seigneuries Féodales du Pays de Liège , 1869.
Autel druidique (?) et autres découvertes de l’époque gauloise.
J.B. Devillers, Presles (Documents et Rapports de la Société archéologique de Charleroi tome VIII p. 479).
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1 Ndlr. Nous avons respecté la formulation de l’auteur, tant en ce qui concerne les lieux-dits, noms de rue, noms propres, etc.
2 Ndlr. 1871 très exactement