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Les galettes

Les galettes 1



Chacun sait ou ne veut plus savoir qu’au temps passé, il était d’usage de confectionner des galettes les jours d’avant le Nouvel-An.

Notre boulanger de Presles – Batisse Bratchotte –, comme ses confrères d’ailleurs, cuisait des galettes au feu de bois, pour ceux ou celles qui préféraient acheter de la pâtisserie toute faite, plutôt que de se dépenser à en faire en leur maison.

De nos jours, les grandes surfaces, faisant la concurrence aux boulangers, nous offrent en vente des galettes, fabriquées à la va-vite dans des établissements mécanisés.

Ces produits uniformes, unicolores, dosés et composés au gabarit d’une norme qui n’a pas du tout l’aspect accueillant comme l’étaient celles cuites par nos grands-mères.

Nos aïeules cuisaient chez elles, selon des recettes ancestrales. De famille en famille, de génération en génération, les recettes se transmettaient, écrites parfois sur des bouts de papier, qui étaient gardés religieusement dans le tiroir d’une commode ou d’une armoire, avec les reliques et les souvenirs des parents et amis disparus.

De ces recettes, nous pourrions en écrire bon nombre car, il y en avait toute une gamme, allant des grosses au demi-grosses, des moyennes et des petites fines, de celles au beurre, les qua­tre-quarts, les caramélisées et la très fine appelée « bounan » etc.

Selon les dires des ménagères, de toutes les galettes qui étaient confectionnées pour le Nouvel-an, telle disait que sa recette était la « plus meilleure », beaucoup plus que la recette de sa voisine ou de la tante Rosa ; leurs galettes n’avaient pas de goût et étaient d’une couleur douteuse.

Il va sans dire que ces potins de commères étaient répétés, chacune se vantant de détenir le secret et la meilleure recette pour fabriquer et cuire des galettes.

Nous aurions été en peine de pouvoir les départager et, à notre avis, comme pour le vin ou la bière, l’office d’un « taste-galette » aurait été bien nécessaire ; encore courrait-il le risque d’être criti­qué par les commères, pour ne pas avoir su discerner la meilleure d’entre toutes les galettes.

Mais tiens, au fait, personne n’y a jamais pensé, pourquoi ne pas organiser un concours de la meilleure galette ? Ce serait original et il y en aurait des galettes à manger par les spectateurs !

Bref, venons-en au fait de notre histoire.

Il y avait donc au village une femme nommée « Pèrance ….. » qui était reconnue pour savoir faire de bonnes galettes. Elle se vantait de détenir la vraie et meilleure recette pour confectionner cette petite pâtisserie.

D’ailleurs, elle en fit un métier durant le cours de sa vie ; c’est par milliers qu’elle fit des galet­tes valant à cette époque 5 centimes la pièce, et que nous savourions goulûment.

Aux jours d’après la fête de Noël, Pèrance malaxait dans la maie héritée de ses parents, un mélange de bonne farine blanche, du bon beurre, des œufs, du sucre fin, un soupçon de vanille ou de cannelle, mouillant le tout de bon lait pour avoir une pâte meilleure que d’habitude ; exception disons-nous, le Nouvel-An ne tombant qu’une fois par année !

Sur son « diâle », petit fourneau bas alimenté au bois, Pèrance tournait, retournait son fer, qu’il soit gros, moyen ou fin, jusqu’à épuisement complète de la maie.

Des douzaines et des douzaines de galettes s’empilaient sur des claies en osier tressé. Les galettes cuites, de couleur brunâtre, sans être brûlées, empilées, laissaient voir les tètons blanc-jau­nâtre faisant une espèce de dentelle aux galettes déposées sur les « volètes » (plateaux).

Satisfaite de son ouvrage, Pèrance descendra les galettes dans sa cave afin qu’elles soient tendres et fraîches pour le jour attendu avec impatience.

Le 1er janvier est enfin arrivé, les « boune anèyes » et « bonne santé » s’échangent de part et autre, les embrassades se succèdent et toute la parenté réunie est à la joie et heureuse de se retrou­ver.

Pèrance, radieuse en ce jour du Nouvel-An, offre le petit verre de péket, la tasse de café fait tout exprès et, bien sûr, un plateau chargé de ses galettes.

Mais, stupeur générale, les galettes sont immangeables. Que s’est-il donc passé ? Qu’a bien pu faire la bonne femme cette année pour en avoir fabriqué de si mauvaises ? Mystère !

Tout s’expliquera bientôt au goût salé des galettes. Dans sa précipitation, Pèrance a versé du sel en lieu et place du sucre qui, en ce temps-là, se vendait en vrac : les sachets de papier qui ser­vaient d’emballage se ressemblaient tous, de couleur grisâtre, ils servaient pour toutes les sortes de marchandises qu’à cette époque, le boutiquier vendait au poids.

La méprise aurait bien pu advenir à l’un de nous.

En raison de dire que, quand on fait quelque chose, n’importe quel travail, il ne faut pas être distrait, mieux vaut s’assurer deux fois plutôt qu’une de ce que l’on fait !

Cette histoire de galettes m’a été contée par le neveu de Pèrance. Il s’appelait Fernand BOCCART et demeura jusqu’à sa mort au Bordinois, dans la maison qui fut occupée par le garde-cham­pêtre Félix CAVIER et sa famille.

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