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Les chîges d’antan

Lès chîges d'antan 1

 

 

"Les  soirées d'autrefois"

 

La Société d'aujourd'hui a des moyens pour s'amuser, se distraire, que nos aïeux, en leur temps, étaient encore loin de soupçonner.

Les produits de consommation sont, de nos jours, tellement nombreux, que nous nous trouvons parfois embarrassés de faire notre choix.

Comme le citadin, le villageois a sa voiture pour se déplacer ; d'autres, s'ils n'en possèdent pas, ont prévu des transports en autobus, en autocar, si bien qu'en peu de temps, le voyageur se trouve bien loin de chez lui.



Aux agréments des voyages s'ajoutent les amusements chez soi, tels que radio, télévision.

Déjà toutes ces choses, sans qu'il faille en citer d'autres, procurent des distractions aux habitants des villages.

Mais, aux temps passés, que pouvaient bien faire nos aïeux, leur journée de travail terminée ?

Jadis, on disait - mais il n'en était rien - que le village se couchait avec les poules et se réveillait au chant du coq. Ce fut peut-être vrai dans certaines familles que nous avons connues, il y a trente années, familles de fermiers chez qui, à sept heures du soir, tout était clos et dormait, mais où, à quatre heures du matin, tout le monde était debout et au travail.

À toutes règles, il y a des exceptions.

Néanmoins, en comparant le mode de vie de nos aïeux à celui des descendants que nous sommes, nous pouvons assurer que les travailleurs d'antan aimaient se coucher de bonne heure pour être frais et dispos le lendemain.

À la bonne saison, après le souper, ils aimaient tout de même passer une heure ou deux sur le pas de leur porte en faisant la causette avec leurs voisins.

Mais quand l'hiver était arrivé, quand le village dormait sous sa couverture de neige ou que la froidure gelait le nez et les mains, les soirées étaient longues et monotones.

Alors, à l'heure des loups, on allait aux chîjes. Outre tous ceux qui aimaient le cabaret, le rassemblement des familles, les réunions d'amis, de parents étaient choses courantes : un soir chez soi, une soirée rendue chez d'autres.

Dans la salle basse et la tiédeur que procurait l'âtre, la maisonnée et ses invités passaient une heure ou deux à deviser avant d'aller se coucher.

Dans la pénombre de la chambre éclairée par le quinquet de cuivre, les hommes se racontaient les nouvelles qu'ils avaient apprises par le journal, par un étranger ou par les potins que l’on colportait dans le village.

Parfois, des parties de cartes, piquet ou couyons s'organisaient entre eux, sans penser au gain d'une partie, rien que pour s'amuser.

Pendant ce temps, les femmes rassemblées papotaient entre elles, tricotant ou ravaudant des bas. Au coin de l'âtre, le vieux grand-père tétait sa pipe, fumant à pesantes bouffées. La grand-mère somnolait dans son fauteuil, avec, dans son giron, le chat ronronnant, content d'être bien au chaud.

Les enfants, assis en rond bien sagement, écoutaient le grand-père leur raconter ses souvenirs, le récit d'une bataille ou une belle histoire de fées, de nutons, du méchant tchén à tchèn.nes (chien à chaînes), ou celle d'une vieille et vilaine sorcière, le tout souvent dans le patois du terroir.

Parfois aussi, la grand-mère y allait d'une belle chanson, d'une ronde ou d'un beau cantique du temps de sa jeunesse.

La maîtresse de la maison servait à ses amies une tasse de café ; quant aux hommes, la bouteille de péket restait à leur discrétion.

C'était cela les chîjes d'antan, où chacun se sentait heureux de retrouver ses parents, ses amis. On se quittait sur un « au revoir », les visiteurs contents de leur soirée s'en retournaient chez eux dans la bise glaciale ou dans la neige qui tombait à gros flocons.

Hélas, les chîjes sont tombées en désuétude et bien rares sont les rassemblements de familles, d'amis, que nos aïeux aimaient tant et qu'ils savaient animer en restant chez eux 2.


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1 Publié en 1981 in Il était une fois…

2 Yernaux et Fievet. Au temps de nos grands-mères pp. 268-269

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