Écoliers de la Saint Grégoire
Écoliers de la Saint-Grégoire 1
12 mars
« C’est aujourd’hui la Saint-Grégoire
C’est … »
Les paroles de cette chanson, les écoliers en congé les chanteront dans les quartiers du village. Tout comme les grands, ils auront, la veille, discuté de la prochaine journée.
Pour fêter dignement le grand Saint, toutes les recommandations seront faites aux novices par les grands. Car qui, père ou aïeul de ces enfants qui tantôt parcourront les rues de la localité, n’a pas dans son enfance fait les « Saint-Grégoire » et ne se rappellera pas le bon temps avec ses jours de liesse.
Saint Grégoire-le-Grand, pape de 590 à 604, fut le fondateur des premières écoles de jeunes clercs. Ce serait en souvenir de ce grand saint et de ce grand savant – qui à l’occasion aimait jouer au maître d’école – que les garçons sont en congé le 12 mars.
Jadis, dans de nombreuses régions et localités de Wallonie, la fête de saint Grégoire, patron des écoliers, donnait lieu à tout un cérémonial traditionnel qui variait selon les endroits.
À Presles, tôt le matin, les gamins se sont levés et, par les rues remplies de pâle soleil printanier, ils se sont rendus à l’église pour assister à la messe chantée en l’honneur de saint Grégoire.
Après l’office, Monsieur le Curé aura tenu à les réunir pour les féliciter d’abord, ensuite leur souhaiter une bonne journée et une abondante récolte.
La cour de l’école sera le siège du rassemblement général pour saluer le maître. Jadis, il était coutumier (la connivence de l’épouse de l’instituteur avec les enfants était nécessaire) d’enfermer le maître dans la salle de l’école, son consentement était tacite aussi 1.
Après le salut du maître, la bande joyeuse et trépidante se met en marche, deux par deux, ou par petits groupes, portant hottes ou paniers garnis de foin pour rapporter la récolte.
La petite troupe est conduite par un grand coiffé d’une mitre décorée, en carton ou en papier ; il représente Saint Grégoire ; un autre porte une pancarte sur laquelle est écrit « VIVE SAINT GRÉGOIRE », un troisième, porteur de la tirelire, est parfois muni d’une clochette.
Tous chantent à qui mieux mieux les trois couplets traditionnels :
I C’est aujourd’hui la Saint-Grégoire,
C’est pour cela que nous sommes ici
Pour honorer sa fête, oh, oui, bien (var. Oyez bien)
Auprès de Saint Grégoire, si vous m’entendez bien (bis)
II Nous prierons, Dieu en Jésus Christ,
C’èst pou qu’lès pouyes, pènenuchent, toudi,
Pour honorer sa fête, oh, oui, bien,
Auprès de Saint Grégoire, si vous m’entendez bien (bis)
III Une charité faite en son nom,
C’est une très belle action,
Faite de bon cœur, oh, oui, bien,
Auprès de Saint Grégoire, si vous m’entendez bien (bis)
Rues après rues, chaque maison recevra la visite des « Saint-Grégoire ». Le panier se remplira d’œufs et de friandises, les sous tinteront dans la tirelire.
Qu’une porte reste close ou que la main ne soit pas généreuse, l’anathème « les oignons pourriront » fusera de toutes les jeunes poitrines, plus vibrant que la chanson joyeuse de remerciements.
Le 12 mars, ce n’est pas encore le printemps, mais les jours deviennent meilleurs, les jardiniers s’emploient à la plantation des oignons ; si l’on veut une belle récolte « à l’sint-Grégoire, on sème lès ognons, min.me dins lès bèrdouyes » (même dans un terrain boueux).
Au cours de la tournée, lorsqu’un habitant refuse de donner à la quête, les enfants lui lancent des quolibets ou chantent un couplet spécial, souhaitant à ce particulier avare que ses oignons pourrissent.
Si vos n’donès rén, vos n’aroz rén,
Dès chalotes èt dès ognons,
Vos n’énn-aroz pont 2.
Après la pause de midi, la bande joyeuse reprend sa tournée et ainsi jusqu’au jour déclinant, les écoliers en chantant auront fait le tour du village et regagneront leur point de départ.
Surmontant la fatigue, les enfants seront contents de leur journée, la joie rayonnera sur les visages.
Ils accepteront le partage de la récolte fait équitablement par l’instituteur.
Sur un dernier tour de chant, ils se sépareront heureux, se promettant de refaire la « Saint-Grégoire » l’année suivante 3.
1 La maison du maître attenante à l’école est occupée par les bureaux de l’entité Aiseau-Presles (service des finances). Monsieur Adolphe Michotte, instituteur en chef et son épouse Madame Simone Van Helswege, institutrice, furent les derniers enseignants à occuper la maison. Monsieur Daniel Deravet, nommé chef d’école, délaissa la maison et résida à la rue de la Rochelle.
3 Biblio :
Vandereuse Jules. Questionnaire sur la Saint Grégoire.Annuaire XII. 1958-1959. De la Com. Roy. Belge de Folk. 1961 Rousseau Félix. Légendes et contines du Pays de Namur : Saint-Grégoire-le-Grand, in. Com. Roy. Belg. Folk., 1971
Yernaux E. et Fièvet F. Au temps de nos grands-mères. In. Ad. Cle. De Montignies s/S, p. 138. St-Grégoire.