Presles
Presles, par J. Fichefet 1
in « Touring club de Belgique » du 15 juin 1925
Le tourisme est tellement entré dans les habitudes de la génération présente, grâce aux moyens de locomotion les plus variés, qu’il n’est pas un coin de notre pays, présentant quelque intérêt, qui doive rester ignoré. Or, la région située aux confins sud du bassin de Charleroi et de la Basse-Sambre est digne de retenir quelques moments le voyageur qui emprunte la chaussée de Châtelet à Namur. Cette route, courant parallèlement à la ligne géographique de démarcation de la Haute et de la Moyenne Belgique, est devenue, depuis l’extension de l’automobilisme, une véritable artère essentielle aux communications entre l’ouest et l’est du pays.
Au départ de Châtelet, le paysage est borné par les profils grisâtres des buttes coniques des houillères, par les cheminées empanachées de fumées et par les toits innombrables des usines métallurgiques disséminées vers la gauche, dans l’étroit débordement de la vallée de la Sambre. Bientôt, l’horizon change, s’élargit. Les teintes du sol deviennent moins grises, moins banales ; la verdure accapare l’œil et le repose, lui offrant, de-ci de-là, des bouquets d’arbres, des collines agrestes, des maisons proprettes enfouies et comme cachées aux regards indiscrets.
Brusquement la route plonge et disparaît dans un ravin qui, en forme de goulot, au début, va aller de plus en plus s’élargissant, jusqu’à donner l’illusion d’un véritable amphithéâtre dont les parois abruptes montrent des roches déchiquetées et comme tranchées par une hache de géant. Ce sont, à droite et à gauche, de larges bandes de roches calcaires blanches et grises, en stries parallèles, en couches superposées, disparaissant parfois sous un amas de terres brunes et ressortant aux flancs de cette immense cuvette pour surplomber, en promontoire, le ruban de la route et l’empêcher de passer.
L’escalade d’un de ces rochers permet de mesurer l’ensemble du sol tourmenté sur une distance d’un kilomètre. Cependant, l’endroit n’est pas désert. Dans le fond même de cet amphithéâtre s’étale, tout groupé autour de sa mignonne église, le village de Presles. Composé de quelques dizaines de maisons aux murs gris-bleus et aux toits de tuiles rouges, en harmonie de couleur avec le paysage, traversé par le ruisseau La Biesme, Presles offre un spectacle tellement reposant, une douceur de vivre qui n’est pas ressentie peut-être la première fois, mais que l’on goûte de plus en plus quand on prend la peine de descendre jusque sur la petite place communale et de se reposer à l’ombre des grands sapins qui la bordent.
Presles, grâce à sa situation privilégiée, a été le lieu de prédilection d’une seigneurie qui porta d’abord son nom, puis passa à une famille de Seraing, puis d’Enghien, ensuite de Lierneux et enfin aux comtes d’Oultremont qui habitent encore le château actuel construit par le grand architecte Balat, en 1851 1. Un parc d’une centaine d’hectares, bien entretenu et offrant des perspectives de jardins français, ajoute un nouvel intérêt au promeneur qui désire se distraire davantage 2.
Presles a été l’objet d’une querelle historique au sujet du siège de la bataille de la Sambre que César livra aux Nerviens unis aux Atrébates et aux Vermandois. On admet, généralement, que cette bataille a eu lieu à proximité de la frontière belgo-française. Quoi qu’il en soit, l’origine de Presles remonte à la plus haute antiquité : témoin des sépultures et industries de l’âge de la pierre taillée (paléolithique) retrouvées dans les rochers du parc du château (avoisinant d’ailleurs avec quelques grottes de formations calcaires) et d’autre part, la présence de villas et constructions belgo-romaines mises à jour et fouillées par le Musée archéologique de Charleroi.
Le folklore trouve aussi à se documenter dans ce petit village. La kermesse, qui a lieu le premier dimanche d’octobre, voit encore, quelquefois un cortège réellement fantaisiste. Il s’agit d’un bipède 3 tenant du bœuf par le haut du corps et de l’homme par les pattes et mâchant par à-coups une touffe de sainfoin. La bête nommée « Limodje », est conduite par un paysan muni d’un gourdin et elle est escortée d’une dizaine de cavaliers. La fête se termine par la mort de la bête. Cette coutume assez typique semble venir de la ville de Limoges (France), après être passée par Fosses. Elle aurait été importée par un ouvrier potier.
La promenade peut se continuer à pied, en revenant par la belle drève qui sert d’entrée principale au château.
Presles est accessible par route et par vicinal. Par route, soit au départ de Châtelet, de Fosses, de Mettet ou d’Aiseau ; par vicinal en correspondance directe avec les trains des lignes de Namur-Charleroi et Tamines-Dinant.
J. FICHEFET
1 Bulletin officiel du T.C.B., 1922, page 108
2 On peut facilement obtenir une autorisation pour visiter le parc. S’adresser au concierge ou à un garde-chasse.
3 À Presles, ce n’est pas un bipède mais un quadrupède. La bête est appelée « Lum’Rodje ».